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Tuesday 1 March 2011

Rions un peu avec Kadhafi, Moubarak ou Ben Ali

déclenchement des soulèvements, les blagues raillant les despotes fusent en pleine révolution, même aux heures les plus sanglantes.
Benghazi, le 26 février. Un homme joue avec son fils devant une caricature de Kadhafi dessinée sur
Benghazi, le 26 février. Un homme joue avec son fils devant une caricature de Kadhafi dessinée sur un mur. (Goran Tomasevic / Reuters)
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«Nous marcherons sur eux par millions pour purger la Libye pouce par pouce, maison par maison et allée par allée». La menace proférée par Kadhafi à l'encontre de sa jeunesse manifestante, lors de son discours halluciné le 22 février, a inspiré Noy Alloushe, un jeune israélien. Baptisée «Zenga Zenga» («ruelle» en arabe), son clip posté sur YouTube, rencontre un écho important. Ce mardi, il a déjà été visionné plus d'un million de fois.

Peut-on, avec un clip «lol», tourner en dérision Kadhafi? Il est encore au pouvoir, chaque jour, il y a des morts et s'amuser de lui avec un clip dance pourrait paraître un peu choquant pour les gens qui se battent. Sauf que, dans les pays en révolutions, et pour les observateurs étrangers, c'est une constante depuis les premières manifestations.

Ainsi, pour Noy Alloushe, interrogé par le New York Times «Il était habillé bizarrement, et il levait les bras» comme dans une transe, d'où la tentation de le caricaturer en chanteur dance. «Zenga zenga» veut dire «ruelle» en arabe (rien à voir avec le célèbre bunga-bunga, donc). Il a mixé les paroles du colonel avec la musique du rappeur américain Pitbull («Hey baby») et, pour agrémenter le tout, une danseuse dénudée se trémousse (une version sans danseuse est également disponible, après que certains internautes l'aient sollicité, pour pouvoir montrer la vidéo à leurs parents).

«Mécanismes de défense» face à l'insupportable

Une telle performance télévisée de la part d'un chef d'Etat est tellement rare, qu'il était logique qu'elle soit parodiée assez rapidement, le détournement en général étant un des arts préférés des internautes. Kadhafi n'a pas été la seule victime, bien sûr, de ce type d'humour. Moubarak et Ben Ali en ont également fait les frais. 

Dans un article consacré à ce sujet sur France24.com, la psychiatre Myriam Larguèche explique, à propos de l'humour très noir pratiqué par les Tunisiens pendant les révoltes sanglantes: «L'humour est l'une des particularités de la société tunisienne mais il relève également des mécanismes de défense plus universels devant des situations insupportables, voire indicibles».
Des Tunisiens de France, le 15 janvier 2011 (Jean-Paul Pelissier / Reuters).

En Egypte, bien avant le début de la révolution, les blagues étaient déjà légion, comme l'écrit le blogueur et journaliste Issandr el-Amrani sur le site Foreign Policy.
«Rire de l'oppression a été une part essentielle de la vie des Egyptiens depuis les pharaons, écrit-il. La blague de base, qui transcende les règles, l'idéologie, les barrières de classe, reste toujours à peu près la même: nos leaders sont des idiots, notre pays un bazar, mais au moins nous sommes ensemble dans la plaisanterie.»
Caricature arborée sur un t-shirt lors d'une manifestation de solidarité aux Egyptiens, à Beyrouth, le 1er février (Jospeh Eid).

Les noktas (blagues politiques prisées des Egyptiens) autour de Moubarak étaient répandues bien avant le 25 janvier, début du soulèvement. Le raïs était moqué pour sa ressemblance supposée avec la mascotte de la Vache qui rit. Plusieurs manifestants ont repris la caricature à leur compte, sur les pancartes brandies place Tahrir, cœur de la contestation, comme on pouvait le voir dans ce reportage.


Une fois le dictateur tombé, la parodie est aussi un moyen d'exercer et de tester la liberté d'expression, comme l'expliquait à Libération.fr ce jeune internaute, qui a créé un profil Facebook usurpant l'identité de Ben Ali. «L'idée était pour moi de mesurer le degré de cette liberté si convoitée. J'aurais fait cela sous Ben Ali, je ne pourrais pas écrire ces lignes aujourd'hui. Je peux témoigner n'avoir jamais été inquiété par qui que ce soit. Je peux dire que la parodie, l'humour, la dérision qui font frémir les dictateurs sont désormais libres en Tunisie.»
Le dessinateur tunisien _z_, qui s'est déclaré «au chômage» sur Twitter au soir de la chute de Ben Ali, n'a finalement pas reposé le crayon. Ilcaricature presque chaque jour l'évolution de la révolution en Tunisie, voire dans les pays voisins. Après Ben Ali, il s'en prend donc logiquement également aux leaders de la contestation, comme Rached Gannouchi, le chef du mouvement islamiste Ennahda.

 
Le 19 février, suite à la vidéo ci-dessus, il expliquait pourquoi il s'en prenait à lui, en prenant toutes les précautions d'usage:
«Il est dangereux de faire de Ghannouchi une idole. Ces milliers de "fans" venus l'accueillir comme le messie me rappellent étrangement les liesses populaires sous Ben Ali. C'est sur quoi porte ma critique et ne voyez dans ce dessin nulle attaque envers les voilées ou l'islam ni même envers Ghannouchi».
Les caricatures, évidemment, ne sont pas que sur Internet. Sur la place Tahrir, donc, mais aussi en Tunisie, et dans les zones libérées de Libye. A Benghazi ou Al-Baïda, les villes de l'ouest, pas une seule manifestation sans une caricature de Kadhafi. Les traits sont grossis, des slogans y sont ajoutés comme «Wanted». Parfois, le leader libyen est animalisé, sous les traits de cochons ou de chiens.
A Benghazi, le 23 février (photo Asmaa Waguih / Reuters)
A Benghazi, le 23 février (Asmaa Waguih / Reuters).
Pour les jeunes, cela permet de désacraliser l'image des leaders. Kadhafi était au pouvoir depuis 1969, Ben Ali depuis 1987. Souvent, les révoltés n'ont connu qu'eux et ont été abreuvé d'images laudatives. Le portrait du dictateur tunisien, par exemple, était partout présent dans les villes, dans la grande tradition des autocrates qui se construisent un culte de la personnalité, tel Mao, ou Staline.

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