Mahmoud Abbas.
REUTERS/Mohamad Torokman
Confronté à l'échec quasiment inéluctable de la tentative de relance du processus de paix, le président de l'Autorité palestinienne a ébauché un scénario alternatif, assorti de diverses variantes. En voici la teneur.
Sauf miracle de dernière minute, le processus de paix de Washington devrait entrer dans les annales du conflit israélo-palestinien comme le plus bref que la région ait jamais connu. Ouvert le 2 septembre dernier sur le tapis de la Maison Blanche, ce nouveau "round" de négociations s'est fracassé un mois plus tard sur le refus d'Israël de prolonger le gel de la colonisation, décrété pour une durée de dix mois en novembre 2009. Ni les reports successifs de la date-butoir, ni l'agacement croissant de ses partenaires européens, ni même l'alléchant "package" de contreparties concocté par l'administration américaine ne semblent avoir fissuré la carapace du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou. Dans l'hypothèse hautement probable où celui-ci ignorerait l'ultime échéance, fixée par la Ligue arabe au 8 novembre, la direction palestinienne a élaboré une série d'alternatives au processus moribond. "Cela fait 19 ans que nous négocions avec les Israéliens pendant qu'ils accaparent notre terre et notre eau, dit Mohamed Shtayyeh, haut dirigeant du Fatah et confident du président Mahmoud Abbas. Ce système ne mène nulle part, il ne peut plus durer."
Le plan B des Palestiniens est une stratégie à options multiples. La première vise à convaincre les Etats-Unis de reconnaître un Etat de Palestine, incluant Jérusalem-Est, la Cisjordanie et la bande de Gaza. En cas d'échec, le deuxième scénario consiste à demander cette reconnaissance au Conseil de sécurité des Nations unies. Les responsables palestiniens postulent qu'Israël aurait beaucoup plus de mal à maintenir l'occupation d'un véritable Etat que celle de simples "territoires", comme c'est le cas actuellement. Ils tablent sur le fait qu'une fois la Palestine membre à part entière de l'Onu, le Conseil de sécurité pourrait voter des résolutions coercitives à l'encontre d'Israël, ce qui n'a jamais été le cas jusque là.
"On ne sait pas jusqu'où les Etats-Unis sont prêts à nous suivre, concède Mohamed Shtayyeh. Mais les pays européens ne devraient pas s'opposer à nous, au contraire". Ce dimanche, le quotidien libéral israélien Haaretz rapportait une conversation téléphonique houleuse survenue une dizaine de jours plus tôt entre Benyamin Netanyahou et Nicolas Sarkozy, "furieux" que le dirigeant israélien ait annulé à la dernière minute sa participation à une conférence prévue à Paris, avec Mahmoud Abbas. Si Washington usait de son veto onusien, le président palestinien pourrait abattre une troisième carte : exiger que les Territoires occupés soient placés sous tutelle internationale et qu'une force d'interposition soit déployée sur le terrain. En cas d'échec, une ultime option, à très hauts risques, consisterait à remettre les clés du régime palestinien au gouvernement israélien, à charge pour lui de subvenir aux besoins de la population locale.
Sans surprise, le cabinet israélien a rejeté ce plan, évoquant des représailles en cas de "mesures unilatérales." "Les Nations unies n'ont pas le pouvoir de créer un Etat, fait remarquer Ygal Palmor, porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Et de toute façon, la Ligne verte (qui sépare Israël de la Cisjordanie) n'est pas une démarcation officielle. Les Palestiniens obtiendront au mieux une déclaration de soutien. Ils marqueront quelques points sur la scène diplomatique. Mais cela ne fera pas bouger les colons et ne changera rien sur le terrain." Les dirigeants palestiniens font le pari inverse. A 75 ans, après six années à la tête d'un régime qui n'a pas plus de pouvoir qu'une préfecture, Mahmoud Abbas n'a plus grand-chose à perdre.
No comments:
Post a Comment