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Saturday, 10 December 2011

Aux racines de l’islamisme européen

Le journaliste américain Ian Johnson a découvert des détails révélateurs sur les protections dont a bénéficié Saïd Ramadan, haut dirigeant des Frères qui a fondé le Centre islamique de Genève et père des islamistes suisses Tariq et Hani Ramadan
Mohamed Sifaoui
On savait qu’à Munich, dans les années 1950, s’était formé le nucleus de la nébuleuse des Frères musulmans en Europe. Le journaliste américain Ian Johnson a poussé l’enquête plus loin, et découvert des détails révélateurs sur les protections dont a bénéficié Saïd Ramadan, haut dirigeant des Frères qui a fondé le Centre islamique de Genève et père des islamistes suisses Tariq et Hani Ramadan.
A Munich, Saïd Ramadan déployait ses activités sous le parapluie des Américains. Si le fait qu’il roulât en Cadillac – attesté par un témoin de l’époque – est anecdotique, ses relations étroites avec un certain Bob Dreher le sont beaucoup moins. Cet agent de la CIA, nudiste et coureur de jupons, était partisan d’une riposte agressive contre le communisme. Voyant dans le mouvement islamiste un allié potentiel contre l’URSS, il a notamment organisé un congrès musulman avec pour invité vedette Saïd Ramadan. Sans doute son soutien – surtout financier – ne s’arrêtait-il pas là, mais l’enquête atteint ici ses limites: les documents de la CIA concernant ce chapitre de l’histoire sont toujours classifiés.
«Plus les services de renseignement s’intéressaient à Ramadan, moins ils le comprenaient», écrit Ian Johnson. De fait, la CIA n’a jamais été capable de manipuler l’Egyptien. Les plus clairvoyants au sein de l’agence savaient que la tentative de gagner le cœur des Arabes en jouant de la fibre religieuse serait vaine tant que les Etats-Unis soutiendraient Israël. Les relations entre la CIA et Saïd Ramadan ont d’ailleurs cessé dès le début des années 1960.
Aujourd’hui, les relations entre les islamistes issus des Frères musulmans, descendants directs du berceau de Munich, et les gouvernements occidentaux sont devenues un enjeu brûlant. Face au terrorisme, les gouvernements cherchent des interlocuteurs musulmans pacifiques et crédibles, les «néo-Frères» – selon l’expression consacrée – veulent être reconnus par l’Etat comme représentants officiels de l’islam. Ce rapport ambigu, mélange de méfiance, voire de détestation, et d’un besoin mutuel de s’instrumentaliser, est magistralement décrit dans un ouvrage paru en 2010 et malheureusement non traduit en français, The new muslim brotherhood in the West, par Lorenzo Vidino*.

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