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Wednesday, 29 September 2010

Un affront aux juifs de France

Par Shmuel Trigano

Quelle est la signification de la réception de « personnalités juives » par Mahmoud Abbas à Paris si on la met en parallèle avec ce qu’il a déclaré au début du mois d’aout lors d’une rencontre avec la presse égyptienne ? Il y dévoilait le fond de sa pensée sur la nature du régime d’un éventuel Etat de Palestine et son rapport aux Juifs.

En envisageant la possibilité qu’une troisième force, comme l’OTAN, puisse être chargée de veiller à l’exécution de l’accord envisagé, Mahmoud Abbas s’est senti obligé d’y mettre une condition : qu’il n’y ait aucun soldat juif ni aucun Israélien. “Je suis prêt à accepter une troisième partie qui contrôle l’exécution de l’accord, par exemple les forces de l’OTAN, mais je n’accepterai pas qu’il y ait des Juifs dans ces forces ni un Israélien sur la Terre de Palestine”.
Ainsi prend tout son sens la déclaration maintes fois répétée par les dignitaires de l’Autorité palestinienne, et notamment Saeb Erekat, son “ministre” des affaires étrangères, de ne jamais reconnaître en Israël un État juif, un argument systématiquement ignoré par la presse occidentale mais qui est infiniment plus grave que les fameuses « colonies » parce qu’il fait entendre un refus massif de la paix. Il prend son véritable sens, à la lumière de ce codicille sur l’OTAN. Comment qualifier en effet la condition de Mahmoud Abbas quand il demande aux États européens, membres de l’OTAN, d’exclure des rangs de leurs forces leurs citoyens juifs ? Imagine-t-on la situation et les dispositifs juridiques que ces États devraient mettre en œuvre pour écarter les Juifs de leurs citoyens ? Il frappe plus fort que l’Arabie saoudite, qui avait permis qu’au sein des forces américaines, lors de la guerre du Golfe en 1990-1991, il y ait des militaires américains juifs sur son territoire qui, pourtant, selon le Coran, est « sacré » et ne doit accueillir aucun non musulman.

Ce qui pourrait passer pour une exigence de type nationaliste ressemble à du racisme.
Ce refus de reconnaître le caractère juif de l’État -pourtant inscrit dans la décision de partage de l’ONU, juif et arabe désignant dans ce document deux nationalités- est d’autant plus choquant que la Palestine, elle, sera arabe et musulmane. C’est ce qui est inscrit en toutes lettres dans le projet de constitution du futur Etat2 : « Cette constitution se fonde sur la volonté du peuple arabe palestinien » (Art. 1), « le peuple palestinien est une partie des nations arabes et islamiques » (Art. 2), « la souveraineté appartient au peuple arabe palestinien » (Art. 10), « le caractère légal du peuple arabe palestinien sera incarné par l’État » (Art. 13). « L’islam sera la religion officielle de l’État » (Art. 6).
Nous pouvons vérifier ce dernier principe (l’islamité de l’État) à la lumière de l’étrange catégorie juridique (l’article 6) forgée par cette constitution pour les non musulmans : « L’islam sera la religion officielle de l’Etat. Les religions monothéistes seront respectées ». Qui sont ces étranges “monothéistes” (et quid des Indous, des confucianistes, des bahaïs, etc., interdits de séjour en Palestine ?) sinon une version politiquement correcte du vieux statut de dhimmi imposé aux non musulmans par la loi coranique ? En l’occurrence, il ne s’agirait que de chrétiens, puisque de Juifs, il ne devra plus y en avoir dans l’Etat de Palestine... En Palestine, les Juifs ne seraient théoriquement pas des citoyens, car ils ne sont ni « arabes » (clé de la nationalité palestinienne, selon les articles 10 et 13), ni « musulmans » (clé de la loi nationale palestinienne selon l’article 6) ; ils seraient, quoique « respectés », hors souveraineté nationale, privilège exclusif des Arabes (art. 10), qui peuvent être chrétiens ou musulmans, certes, mais avec cette réserve que, puisque la loi sera conforme à la loi islamique, les Arabes chrétiens ne seront que des citoyens de seconde zone, soumis au statut que leur impose la loi coranique, un statut qui les exclut de la loi générale s’appliquant aux musulmans, assorti d’un “privilège” cependant : comme ils échappent aux règles du droit national (islamique) pour leur statut personnel, ils sont autorisés à le gérer de façon autonome, dans le cadre de leur loi et de leurs tribunaux religieux.
C’était déjà le cas avant l’ère coloniale, avant que l’islam ait perdu tout pouvoir sur les non musulmans, et c’est bien ce que prévoit la constitution palestinienne dans son article 7 : « Lesrincipes de la Shari’a islamique sont la source première de la législation. Le pouvoir législatif déterminera la loi du statut personnel sous l’autorité des religions monothéistes conformément à leurs confessions, dans le respect des dispositions de la constitution et de la préservation de l’unité, de la stabilité et du progrès du peuple palestinien (sous-entendu “musulman”) ».
Comment le statut du monothéiste nous renseigne-t-il sur la vision que l’Autorité Palestinienne a de ce que devrait être cet État d’Israël qu’elle ne veut pas reconnaître comme ”juif” ? Comment peut-elle reconnaître les “monothéistes” et pas le caractère juif de cet État ? “Juif” ne désignerait donc pas à ses yeux un “monothéiste” ? C’est la compréhension du statut dudhimmi qui peut nous aider à clarifier ce qui n’est une contradiction que pour ceux qui ne comprennent pas les catégories de la culture musulmane. Le statut du dhimmi n’est pas individuel mais concerne des collectivités, des “nations” (millet, du temps des Ottomans) politiquement soumises au pouvoir islamique depuis la “conquête”. Dans cette perspective, on ne peut reconnaître en droit un État juif (et en fait tout État qui ne serait pas musulman), ce qui impliquerait l’autodétermination et la souveraineté d’une collectivité, dont le seul statut possible sous l’islam est celui de dhimmi. La charte de l’OLP décrétait déjà que « les Juifs ne constituent pas une nation unique avec son identité propre ; ils sont citoyens des États auxquels ils appartiennent » (Art. 20).)
Si l’on fait le rapport entre l’exigence du retour des “réfugiés” de 1948 dans l’État d’Israël et le refus de reconnaître un État juif, un paysage tout à fait différent de la doxa contemporaine apparaît : d’un côté une Palestine pure de sang juif et de l’autre un État d’Israël où vivent déjà un million d’Arabes israéliens, eux pleinement citoyens, submergé par 5 millions de « réfugiés » où les Juifs deviendront donc une minorité. La charte du Hamas est, elle, très claire sur leur devenir « les fidèles des trois religions, l’islam, le christianisme et le judaïsme, peuvent coexister pacifiquement. Mais cette paix n’est possible que sous la bannière de l’islam » (art.7). « Deux Etats pour un seul peuple » donc. Arabe.
On ne peut qu’être accablé par la visite rendue par certaines personnalités juives, et avant tout le président du CRIF, au chef de l’Autorité Palestinienne où siège le cerveau du boycott mondial d’Israël, dont les retombées sont si graves pour les communautés juives d’Europe. L’admiration et l’émotion qu’elles ont exprimées devant les médias à cette occasion sont encore plus insoutenables. Elle portait réversiblement accusation contre l’intransigeance d’Israël.
Dans cette affaire, l’incompétence le dispute à la désinvolture ou plutôt au narcissisme. Hélas, la politique est cruelle et ces personnalités n’ont fait que prêter la main au plan de communication pour l’Europe du leader d’une société profondément belliciste et antisémite. Toutes à leur suffisance, elles ne se sont même pas rendu compte que si la première visite à Paris d’Abbas était destinée à la « communauté » juive, ce n’était pas pour tenir compte de son « importance », mais pour un effet de pub frappant sur la corde symbolique, à l’avantage de la cause palestinienne.
Le jour même, le spécialiste de la société palestinienne, journaliste au Jerusalem Post, Khaled Abou Toameh, écrivait un article pour le Hudson Institute3 « , « Pourquoi Abbas veut tuer les Palestiniens qui font du commerce avec les Juifs ». Le 28 septembre, le même journaliste révélait dans les colonnes du Jerusalem Post que c’est Yasser Arafat qui avait commandité les attentats du Hamas au début des années 2000, démontrant ce que tout le monde sait, le partage des tâches entre l’Autorité palestinienne et le Hamas, tournant en ridicule « l’admiration » de certain « pour la ténacité d’Abbas à la recherche de la paix » et la confession d’un autre pour « sa sincérité » et sa conscience de « la violence du Hamas ».
Si cette rencontre était seulement marquée du sceau de l’indignité, cela serait sans importance, mais il y a infiniment plus grave, elle annule sur le plan public le patient travail d’information mené depuis 10 ans par les forces les plus vives du judaïsme français. Ce jour-là pourrait bien avoir été signé l’acte de décès d’une communauté juive française, dans le sens où une « communauté » suppose du « commun » à partager. Tout dépendra de ce que les Juifs feront après cet affront.

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