Les Américains tentent de créer, par le biais des entrepreneurs et donc de l'économie, un espace maghrébin dont l'inexistence leur paraît absurde. D'Europe, où peu s'inquiètent du non-démarrage de l'Union pour la Méditerranée, on multiplie les reproches au sujet du non-Maghreb et l'on ne cesse de faire avec des économistes maghrébins le calcul du manque à gagner que cela occasionne.
Les Américains et les Européens ne sont pas animés par l'amour d'un projet maghrébin consacré en pleine guerre de libération nationale en Algérie par les différents mouvements nationalistes de la région. Ils avancent avec l'idée pragmatique que le Maghreb peut être un espace économique bénéfique pour leurs affaires autant que pour celles des pays maghrébins.
Plus de 20 ans après l'initiative Eisenstadt, les Américains ont choisi Alger pour promouvoir une initiative de partenariat pour les opportunités d'affaires au Maghreb. Même si l'on est sceptique, on peut constater qu'ils font preuve d'une constance qu'on aurait aimé retrouver chez les acteurs des pays de la région, qui tentent, chacun de son côté et parfois au détriment de l'autre, d'organiser leurs relations avec le «centre» européen. Les Américains, comme s'ils avaient renoncé à attendre quelque chose de notable chez les politiques, visent les «jeunes porteurs de projet de la région du Maghreb». C'est que le Maghreb est presque une idée neuve qui doit être portée par des hommes neufs. Des entrepreneurs «jeunes», en attendant l'hypothétique émergence d'une nouvelle classe politique ?
Bien entendu, il ne faut pas trop se faire d'illusions sur les intentions des Américains, mais il faut prendre acte au moins qu'ils commencent à ne plus considérer le Maghreb comme un vague espace à l'ouest du Moyen-Orient… Ce n'est pas cette initiative, même si elle a le soutien enthousiaste de «jeunes entrepreneurs», qui fera avancer le Maghreb. On restera toujours avec ce projet Maghreb figé et immobile tant que ceux qui détiennent les commandes dans nos pays n'arrivent pas à l'envisager comme un projet dynamique. Une entreprise pour faire avancer les choses et créer les conditions à la résorption des susceptibilités, des différends ou des conflits. Cela fait des décennies que nous faisons l'expérience du Maghreb immobile.
Hier, selon une dépêche d'agence, le secrétaire général de l'Union du Maghreb arabe (UMA), M. Lahbib Benyahia, a annoncé que les pays maghrébins étaient parvenus à un accord sur la création en 2011 d'une zone maghrébine de libre-échange. On aurait applaudi chaleureusement à cette prodigieuse avancée vers un plus de Maghreb, si l'on n'avait pas été souvent échaudés.
Après tout, n'est-ce pas le même Lahbib Benyahia qui nous annonçait, tout heureux, en mai dernier que les pays maghrébins avaient aplani leurs divergences et que le projet de Banque maghrébine pour l'investissement et le commerce extérieur (BMICE), qui végétait dans les limbes depuis 1991, allait devenir opérationnel en septembre 2010 ? Nous approchons de la fin 2010… Et point de banque !
Même Lahbib Benyahia ne prend pas la peine d'expliquer pourquoi le rendez-vous qui semblait si certain s'est révélé faux. C'est comme cela que les idées maghrébines meurent : des annonces enthousiastes qui s'enterrent en silence.
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