Viols, voiles, corps de femmes dans la Guerre d'Algérie
Longtemps, il n'y eut pas de mots pour qualifier, raconter, nommer la guerre d'Algérie, dont on marque ce 1er novembre 2014, le 60ème anniversaire du déclenchement avec la Toussaint rouge, ou sanglante, du 1er novembre 1954. Conflit emblématique de la décolonisation, un colloque pluridisciplinaire et international qui s'est déroulé à Paris à la mi octobre a révélé l'omniprésence du sexe et du corps des femmes dans les actes et les discours de ces huit années de violences de part et d'autre de la Méditerranée. Ces viols, dévoilements forcés, et autres tortures spécifiques infligées aux combattantes algériennes hantent encore les deux pays, la France et l'Algérie.
Une combattante algérienne détenue sous l'oeil d'un soldat français pendant la guerre d'Algérie - DR
31.10.2014Sylvie BraibantViols
C'était en 1981, à Washington. Tourya, juriste algérienne à la réputation internationale, était allée voir "Les désarrois de l'élève Törless", un film du cinéaste allemand Völker Schlöndorff, adapté du roman éponyme de Robert Musil, récit de tortures dans un collège, sous l'oeil indifférent des élèves. Ce fut comme un déclic et cette femme délicate se mit à raconter les sévices des tortionnaires de l'armée française qu'elle avait affrontés durant la guerre d'Algérie. Cette ancienne combattante du FLN (Front de libération nationale) avait été arrêtée alors qu'elle transportait des documents pour le compte des indépendantistes. En détention, à l'isolement, lorsqu'elle avait ses règles, on lui interdisait de se laver, et elle restait des jours durant ainsi souillée. Soumise à la question, elle subissait des actes de torture spécifiques, sur ses seins et son sexe de femme. Mais ce qui la déstabilisait par dessus tout, c'était la galanterie avec laquelle son tortionnaire lui offrait sa main pour l'aider à descendre de la table des horreurs. Elève de Germaine Tillion, elle appela à l'aide l'ancienne résistante, l'ethnologue des Aurès, favorable à l'indépendance de l'Algérie. C'est ainsi que Tourya fut sauvée.
Comme elle, près de 11 000 combattantes algériennes (chiffre du recensement proposées par la chercheure Emilie Goudal) affrontèrent la sanglante répression coloniale, aux côtés de leurs frères, maris ou pères. Le viol fut utilisé contre elles (et parfois aussi contres les hommes) comme arme de guerre. Comme le dit l'universitaire Catherine Brun, coorganisatrice du fort stimulant colloque Guerre d'Algérie, le sexe et l'effroi, et qui étudie les résonances entre littérature et politique, en particulier au temps de la guerre d'Algérie, "cette arme-là n'est pas spécifique à la guerre d'Algérie, la plupart des guerres passent aussi par la sexualité. Comme les viols génocidaires en Bosnie par exemple. Mais en Algérie, la guerre a réactivé des germes existants, ceux d'un discours raciste sur les indigènes, ces sauvages, qui fantasme une hystérie des femmes et une hyper-virilité des hommes. Ces viols étaient aussi intégrés dans une stratégie militaire de terreur. Et de ces exactions là, les Algériennes, telles Louisette Ighilahriz, qui finit par briser le silence dans la douleur, n'ont pu parler pendant des décennies."
C'était en 1981, à Washington. Tourya, juriste algérienne à la réputation internationale, était allée voir "Les désarrois de l'élève Törless", un film du cinéaste allemand Völker Schlöndorff, adapté du roman éponyme de Robert Musil, récit de tortures dans un collège, sous l'oeil indifférent des élèves. Ce fut comme un déclic et cette femme délicate se mit à raconter les sévices des tortionnaires de l'armée française qu'elle avait affrontés durant la guerre d'Algérie. Cette ancienne combattante du FLN (Front de libération nationale) avait été arrêtée alors qu'elle transportait des documents pour le compte des indépendantistes. En détention, à l'isolement, lorsqu'elle avait ses règles, on lui interdisait de se laver, et elle restait des jours durant ainsi souillée. Soumise à la question, elle subissait des actes de torture spécifiques, sur ses seins et son sexe de femme. Mais ce qui la déstabilisait par dessus tout, c'était la galanterie avec laquelle son tortionnaire lui offrait sa main pour l'aider à descendre de la table des horreurs. Elève de Germaine Tillion, elle appela à l'aide l'ancienne résistante, l'ethnologue des Aurès, favorable à l'indépendance de l'Algérie. C'est ainsi que Tourya fut sauvée.
Comme elle, près de 11 000 combattantes algériennes (chiffre du recensement proposées par la chercheure Emilie Goudal) affrontèrent la sanglante répression coloniale, aux côtés de leurs frères, maris ou pères. Le viol fut utilisé contre elles (et parfois aussi contres les hommes) comme arme de guerre. Comme le dit l'universitaire Catherine Brun, coorganisatrice du fort stimulant colloque Guerre d'Algérie, le sexe et l'effroi, et qui étudie les résonances entre littérature et politique, en particulier au temps de la guerre d'Algérie, "cette arme-là n'est pas spécifique à la guerre d'Algérie, la plupart des guerres passent aussi par la sexualité. Comme les viols génocidaires en Bosnie par exemple. Mais en Algérie, la guerre a réactivé des germes existants, ceux d'un discours raciste sur les indigènes, ces sauvages, qui fantasme une hystérie des femmes et une hyper-virilité des hommes. Ces viols étaient aussi intégrés dans une stratégie militaire de terreur. Et de ces exactions là, les Algériennes, telles Louisette Ighilahriz, qui finit par briser le silence dans la douleur, n'ont pu parler pendant des décennies."
Catherine Brun : "la guerre produit de la différence forcée"
Durée : 0'53
"Une frontière tracée sur le corps des femmes", c'est la définition percutante proposée, à l'occasion de ces rencontres, par Eric Fassin, le sociologue/politologue du genre et des identités, pour qualifier le viol, cette arme inusable des guerres, en Bosnie, au Kivu, entre l'Inde et le Pakistan, les Etats-unis et le Mexique...
Eric Fassin : "le genre est un langage pour signifier le pouvoir"
Durée : 1'20
Affiche destinée à convaincre les Algériennes de se dévoiler en 1958
Voiles
Mais ce qui fit l'une des spécificités de cette guerre de décolonisation, se cache dans les replis d'un vêtement, comme l'avait écrit Frantz Fanon, installé à l'hôpital psychiatrique de Blida, dans le premier chapitre de sa "Sociologie d’une révolution" : "L'Algérie se dévoile". Dans ce texte, qui fut critiqué par des féministes américaines comme Diana Fuss ou Gwen Bergner parce que trop fondé selon elles sur un relativisme culturel, le psychiatre montre comment le voile est instrumentalisé par l'administration coloniale pour assoir son pouvoir.
"Nous allons voir que ce voile, élément parmi d’autres de l’ensemble vestimentaire traditionnel algérien, va devenir l’enjeu d’une bataille grandiose, à l’occasion de laquelle les forces d’occupation mobiliseront leurs ressources les plus puissantes et les plus diverses, et où le colonisé déploiera une force étonnante d’inertie. La société coloniale, prise dans son ensemble, avec ses valeurs, ses lignes de force et sa philosophie, réagit de façon assez homogène en face du voile. Avant 1954, plus précisément depuis les années 1930-1935, le combat décisif est engagé. Les responsables de l’administration française en Algérie, préposés à la destruction de l’originalité du peuple, chargés par les pouvoirs de procéder coûte que coûte à la désagrégation des formes d’existence susceptibles d’évoquer de près ou de loin une réalité nationale, vont porter le maximum de leurs efforts sur le port du voile, conçu en l’occurrence, comme symbole du statut de la femme algérienne. Une telle position n’est pas la conséquence d’une intuition fortuite. C’est à partir des analyses des sociologues et des ethnologues que les spécialistes des affaires dites indigènes et les responsables des Bureaux arabes coordonnent leur travail. À un premier niveau, il y a reprise pure et simple de la fameuse formule : « Ayons les femmes et le reste suivra. »"
Une bataille homérique qui se poursuit sur le sol français 50 ans après la fin de la guerre, mais aussi en Algérie.
Les Algériennes furent ainsi incitées, pour ne pas dire obligées, de se dévoiler au nom de l'émancipation des femmes par des associations féminines qui se voulaient charitables. Le 13 mai 1958, des musulmanes sont installées sur un podium à Alger, place du Gouvernement. Dans une mise en scène très orchestrée, elles brulent leur voile. (En 1960, le photographe Marc Garanger, alors jeune appelé, fut bouleversé par le travail qu'on lui imposa : faire des photos d'identité de Kabyles, voile arraché.) Jusqu'à ce que les gouvernants découvrent que derrière ces jeunes femmes "européanisées" pouvaient se cacher des combattantes déterminées.
Mais ce qui fit l'une des spécificités de cette guerre de décolonisation, se cache dans les replis d'un vêtement, comme l'avait écrit Frantz Fanon, installé à l'hôpital psychiatrique de Blida, dans le premier chapitre de sa "Sociologie d’une révolution" : "L'Algérie se dévoile". Dans ce texte, qui fut critiqué par des féministes américaines comme Diana Fuss ou Gwen Bergner parce que trop fondé selon elles sur un relativisme culturel, le psychiatre montre comment le voile est instrumentalisé par l'administration coloniale pour assoir son pouvoir.
"Nous allons voir que ce voile, élément parmi d’autres de l’ensemble vestimentaire traditionnel algérien, va devenir l’enjeu d’une bataille grandiose, à l’occasion de laquelle les forces d’occupation mobiliseront leurs ressources les plus puissantes et les plus diverses, et où le colonisé déploiera une force étonnante d’inertie. La société coloniale, prise dans son ensemble, avec ses valeurs, ses lignes de force et sa philosophie, réagit de façon assez homogène en face du voile. Avant 1954, plus précisément depuis les années 1930-1935, le combat décisif est engagé. Les responsables de l’administration française en Algérie, préposés à la destruction de l’originalité du peuple, chargés par les pouvoirs de procéder coûte que coûte à la désagrégation des formes d’existence susceptibles d’évoquer de près ou de loin une réalité nationale, vont porter le maximum de leurs efforts sur le port du voile, conçu en l’occurrence, comme symbole du statut de la femme algérienne. Une telle position n’est pas la conséquence d’une intuition fortuite. C’est à partir des analyses des sociologues et des ethnologues que les spécialistes des affaires dites indigènes et les responsables des Bureaux arabes coordonnent leur travail. À un premier niveau, il y a reprise pure et simple de la fameuse formule : « Ayons les femmes et le reste suivra. »"
Une bataille homérique qui se poursuit sur le sol français 50 ans après la fin de la guerre, mais aussi en Algérie.
Les Algériennes furent ainsi incitées, pour ne pas dire obligées, de se dévoiler au nom de l'émancipation des femmes par des associations féminines qui se voulaient charitables. Le 13 mai 1958, des musulmanes sont installées sur un podium à Alger, place du Gouvernement. Dans une mise en scène très orchestrée, elles brulent leur voile. (En 1960, le photographe Marc Garanger, alors jeune appelé, fut bouleversé par le travail qu'on lui imposa : faire des photos d'identité de Kabyles, voile arraché.) Jusqu'à ce que les gouvernants découvrent que derrière ces jeunes femmes "européanisées" pouvaient se cacher des combattantes déterminées.
Un soldat français utilise un détecteur de mines sur les passantes le 16 janvier 1957, dans le cadre d'une opération de fouille systématique de la partie basse de la Casbah, pendant la bataille d'Alger. (AFP)
De modèles promues, elles devinrent cibles pourchassées. Alors, elles se couvrirent à nouveau, pour passer plus inaperçues. Fanon raconte ce corps qui se plie à ces aléas vestimentaires :
"Il faut revenir à cette jeune fille, hier dévoilée, qui s’avance dans la ville européenne sillonnée de policiers, de parachutistes, de miliciens. Elle ne rase plus les murs comme elle avait tendance à le faire avant la Révolution. Appelée constamment à s’effacer devant un membre de la société dominante, l’Algérienne évitait le centre du trottoir qui, dans tous les pays du monde revient de droit à ceux qui commandent.
Les épaules de l’Algérienne dévoilée sont dégagées. La démarche est souple et étudiée : ni trop vite, ni trop lentement. Les jambes sont nues, non prises dans le voile, livrées à elles-mêmes et les hanches sont « à l’air libre ».
Le corps de la jeune Algérienne, dans la société traditionnelle, lui est révélé par la nubilité et le voile. Le voile recouvre le corps et le discipline, le tempère, au moment même où il connaît sa phase de plus grande effervescence. Le voile protège, rassure, isole. Il faut avoir entendu les confessions d’Algériennes ou analyser le matériel onirique de certaines dévoilées récentes, pour apprécier l’importance du voile dans le corps vécu de la femme. Impression de corps déchiqueté, lancé à la dérive ; les membres semblent s’allonger indéfiniment. Quand l’Algérienne doit traverser une rue, pendant longtemps il y a erreur de jugement sur la distance exacte à parcourir. Le corps dévoilé paraît s’échapper, s’en aller en morceaux. Impression d’être mal habillée, voire d’être nue. (.../...)
Le corps de l’Algérienne qui, dans un premier temps s’est dépouillé, s’enfle maintenant. Alors que dans la période antérieure, il fallait élancer ce corps, le discipliner dans le sens de la prestance ou de la séduction, ici il faut l’écraser, le rendre difforme, à l’extrême le rendre absurde. C’est, nous l’avons vu, la phase des bombes, des grenades, des chargeurs de mitraillettes."
Cette dialectique autour du voile s'est poursuivie au lendemain de l'indépendance : les anciennes maquisards défilèrent alors tête nue pour rappeler au nouveau pouvoir leurs droits acquis à l'occasion de cette lutte pour l'indépendance à laquelle elles avaient pris part...
"Il faut revenir à cette jeune fille, hier dévoilée, qui s’avance dans la ville européenne sillonnée de policiers, de parachutistes, de miliciens. Elle ne rase plus les murs comme elle avait tendance à le faire avant la Révolution. Appelée constamment à s’effacer devant un membre de la société dominante, l’Algérienne évitait le centre du trottoir qui, dans tous les pays du monde revient de droit à ceux qui commandent.
Les épaules de l’Algérienne dévoilée sont dégagées. La démarche est souple et étudiée : ni trop vite, ni trop lentement. Les jambes sont nues, non prises dans le voile, livrées à elles-mêmes et les hanches sont « à l’air libre ».
Le corps de la jeune Algérienne, dans la société traditionnelle, lui est révélé par la nubilité et le voile. Le voile recouvre le corps et le discipline, le tempère, au moment même où il connaît sa phase de plus grande effervescence. Le voile protège, rassure, isole. Il faut avoir entendu les confessions d’Algériennes ou analyser le matériel onirique de certaines dévoilées récentes, pour apprécier l’importance du voile dans le corps vécu de la femme. Impression de corps déchiqueté, lancé à la dérive ; les membres semblent s’allonger indéfiniment. Quand l’Algérienne doit traverser une rue, pendant longtemps il y a erreur de jugement sur la distance exacte à parcourir. Le corps dévoilé paraît s’échapper, s’en aller en morceaux. Impression d’être mal habillée, voire d’être nue. (.../...)
Le corps de l’Algérienne qui, dans un premier temps s’est dépouillé, s’enfle maintenant. Alors que dans la période antérieure, il fallait élancer ce corps, le discipliner dans le sens de la prestance ou de la séduction, ici il faut l’écraser, le rendre difforme, à l’extrême le rendre absurde. C’est, nous l’avons vu, la phase des bombes, des grenades, des chargeurs de mitraillettes."
Cette dialectique autour du voile s'est poursuivie au lendemain de l'indépendance : les anciennes maquisards défilèrent alors tête nue pour rappeler au nouveau pouvoir leurs droits acquis à l'occasion de cette lutte pour l'indépendance à laquelle elles avaient pris part...
Le 4 juin 1958, le général de Gaulle lance son fameux "je vous ai compris" aux Français d'Algérie, à Alger. Les terroristes de l'OAS après sa "trahison" le surnommeront "la grande Zohra".
Mots
Paradoxe : alors que pendant longtemps on ne trouva pas le vocabulaire pour identifier ce qui se passait en Algérie après le 1er novembre 1954, "les événements" ou "les opérations de maintien de l'ordre", "pacification", disait-on alors, rarement les mots furent autant utilisés pour détruire l'ennemi. Les extrémistes de l'Algérie française, membres de l'OAS, utilisaient le surnom "la grande Zohra" pour parler de Charles de Gaulle, qui finit par négocier un cessez le feu et à renoncer à "l'Algérie française". Un prénom féminin arabe, un double mépris pour désigner le "traitre".
Une autre expression très populaire sur le terrain des "opérations" : BMC - "bordels militaires de campagne", destinés à assouvir les "besoins" supposés et induits des appelés, ou parfois les prostituées algériennes étaient violées. "Bons pour le service, les hommes qui partent en Algérie sont aussi "bons pour les filles” - selon l’expression populaire que les jeunes appelés arborent parfois cousue dans un macaron sur leur poitrine. L’acte sexuel est programmé, passage obligatoire pour tout militaire, sur le chemin d’une virilité que la guerre est censée tremper", écrit l'historienne Raphaëlle Branche dans un article consacré à "La sexualité des appelés en Algérie".
Gégène, corvée de bois, gangrène, question, crevettes Bigeart, ces mots, genre féminin, pour désigner les méthodes de torture, inventés par les militaires français…
Paradoxe : alors que pendant longtemps on ne trouva pas le vocabulaire pour identifier ce qui se passait en Algérie après le 1er novembre 1954, "les événements" ou "les opérations de maintien de l'ordre", "pacification", disait-on alors, rarement les mots furent autant utilisés pour détruire l'ennemi. Les extrémistes de l'Algérie française, membres de l'OAS, utilisaient le surnom "la grande Zohra" pour parler de Charles de Gaulle, qui finit par négocier un cessez le feu et à renoncer à "l'Algérie française". Un prénom féminin arabe, un double mépris pour désigner le "traitre".
Une autre expression très populaire sur le terrain des "opérations" : BMC - "bordels militaires de campagne", destinés à assouvir les "besoins" supposés et induits des appelés, ou parfois les prostituées algériennes étaient violées. "Bons pour le service, les hommes qui partent en Algérie sont aussi "bons pour les filles” - selon l’expression populaire que les jeunes appelés arborent parfois cousue dans un macaron sur leur poitrine. L’acte sexuel est programmé, passage obligatoire pour tout militaire, sur le chemin d’une virilité que la guerre est censée tremper", écrit l'historienne Raphaëlle Branche dans un article consacré à "La sexualité des appelés en Algérie".
Gégène, corvée de bois, gangrène, question, crevettes Bigeart, ces mots, genre féminin, pour désigner les méthodes de torture, inventés par les militaires français…
Les Algériennes dans leur appartement, l'oeuvre d'Eugène Delacroix à gauche, un tableau réinterprété au XXIème siècle par l'artiste algérienne Houria Niati http://www.hourianiati.com/
Représentations
Dans l'imaginaire oriental européen, ce qu'on a appelé l'orientalisme, les femmes arabes sont souvent représentées en simples objets du désir masculin, lascives recluses dans leur harem ou leur foyer, ou bien en esclaves enfermées sous leurs voiles, derrière leurs moucharabiehs, volets clos. Il n'y a qu'à contempler les "Femmes dans leurs appartements à Alger" d'Eugène Delacroix, peint en 1834.
Ces images aveuglent les protagonistes français de la Guerre d'Algérie. Ils ne voient pas la moujahida décidée comme les hommes à arracher l'indépendance. Depuis une quinzaine d'années, des artistes, plasticiennes, peintres, photographes redonnent leur place à ces guerrières oubliées. Comme Zineb Sedira qui se définit "gardienne d'images" et qui fit parler sa mère. Un projet d'abord censuré parce qu'on y évoquait les viols, tabou des tabous… Comme Halida Boughriet qui immortalise des figures féminines de la résistance algérienne allongées dans des intérieurs traditionnels, détournement de l'orientalisme, pour "Mémoire de l'oubli ".
Dans l'imaginaire oriental européen, ce qu'on a appelé l'orientalisme, les femmes arabes sont souvent représentées en simples objets du désir masculin, lascives recluses dans leur harem ou leur foyer, ou bien en esclaves enfermées sous leurs voiles, derrière leurs moucharabiehs, volets clos. Il n'y a qu'à contempler les "Femmes dans leurs appartements à Alger" d'Eugène Delacroix, peint en 1834.
Ces images aveuglent les protagonistes français de la Guerre d'Algérie. Ils ne voient pas la moujahida décidée comme les hommes à arracher l'indépendance. Depuis une quinzaine d'années, des artistes, plasticiennes, peintres, photographes redonnent leur place à ces guerrières oubliées. Comme Zineb Sedira qui se définit "gardienne d'images" et qui fit parler sa mère. Un projet d'abord censuré parce qu'on y évoquait les viols, tabou des tabous… Comme Halida Boughriet qui immortalise des figures féminines de la résistance algérienne allongées dans des intérieurs traditionnels, détournement de l'orientalisme, pour "Mémoire de l'oubli ".
La maquisarde, éditions Grasset, Paris, avril 2014, 17 euros
Réappropriations
C'est que l'heure est à la réappropriation de ces oubliées de l'histoire, le plus souvent par leurs filles, qui font exploser les tabous. Oui les Algériennes, entre le 1er novembre 1954 (Toussaint rouge, début de la guerre) et le 18 mars 1962 (accords d'Evian) prirent une part active à leur lutte de libération. La romancière et réalisatrice Nora Hamdi est partie sur les traces de sa mère, qui eut 16 ans en Kabylie, tandis que le feu de la guerre brûlait à sa porte. Avec son frère et son fiancé, elle s'engagea dans les maquis. Le livre, décliné à la première personne, l'auteure se glissant dans les pas de sa mère, paru au printemps 2014, est dédié à "toutes les femmes disparues, oubliées, de la guerre d'Algérie."
Extrait de La maquisarde : "Je ne dis toujours rien. Je sais que dans tous les foyers, le sujet est abordé. C'est une lourde décision. Beaucoup de familles ne supportent pas de voir leurs filles, femmes, mères, soeurs prendre les armes. Tous ont peur de terribles représailles. Celles qui s'engagent risquent le viol et la torture. Elle (la voisine dans le camp de détention, ndlr) termine en m'apprenant que l'ensemble des femmes qui sont là viennent de son village, de l'autre côté du mont, à l'opposé du mien. Elles se connaissent depuis toujours."
C'est que l'heure est à la réappropriation de ces oubliées de l'histoire, le plus souvent par leurs filles, qui font exploser les tabous. Oui les Algériennes, entre le 1er novembre 1954 (Toussaint rouge, début de la guerre) et le 18 mars 1962 (accords d'Evian) prirent une part active à leur lutte de libération. La romancière et réalisatrice Nora Hamdi est partie sur les traces de sa mère, qui eut 16 ans en Kabylie, tandis que le feu de la guerre brûlait à sa porte. Avec son frère et son fiancé, elle s'engagea dans les maquis. Le livre, décliné à la première personne, l'auteure se glissant dans les pas de sa mère, paru au printemps 2014, est dédié à "toutes les femmes disparues, oubliées, de la guerre d'Algérie."
Extrait de La maquisarde : "Je ne dis toujours rien. Je sais que dans tous les foyers, le sujet est abordé. C'est une lourde décision. Beaucoup de familles ne supportent pas de voir leurs filles, femmes, mères, soeurs prendre les armes. Tous ont peur de terribles représailles. Celles qui s'engagent risquent le viol et la torture. Elle (la voisine dans le camp de détention, ndlr) termine en m'apprenant que l'ensemble des femmes qui sont là viennent de son village, de l'autre côté du mont, à l'opposé du mien. Elles se connaissent depuis toujours."
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