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Friday, 2 September 2016

Deux drapeaux, deux mesures


A Glasgow, le 17 août, lors du match contre Hapeol Beer-Sheva. Leigh Blackall/FlickrCC BY


Le 17 août dernier, le club de football écossais, le Celtic Glasgow recevait à Parkhead l’Hapoël Beer Sheva en Ligue des champions. La Green Brigade est la section de supporters du Celtic la plus impliquée politiquement. Connaissant ses affinités pour la cause palestinienne, la police locale et l’administration du club ont maladroitement prévenu qu’exhiber des drapeaux palestiniens pourrait faire encourir des sanctions pour le club. Des dizaines de drapeaux vert blanc rouge et noir ont donc fleuri lors du match.

Le Celtic, un club très politique

Le Celtic n’en est pas à ses premières amendes de la part de l’UEFA. Il en a quasiment chaque année, parfois pour usage de fumigènes, souvent pour des ilicit banners, c’est à dire des banderoles à message politique. Or « politique » est un gros mot à l’UEFA. Les instances qui gouvernent le football européen voient en ce mot ce qu’il faut bannir des stades, le contraire du spectacle familial et consommateur dont ils rêvent.
Mais s’il y a bien une ville où football et politique sont liés dans le monde anglophone, c’est bien Glasgow. Glasgow, la plus grande ville d’Écosse, est le théâtre du « Old Firm », le plus vieux derby politique du monde. Paradoxalement, entre le Celtic, club de la communauté irlandaise, et les Rangers, club des loyalistes, l’antagonisme ne concerne pas du tout l’Écosse, mais le conflit séculaire entre Irlandais et Anglais, ou plus violemment, entre sympathisants de l’IRA et extrémistes de la maison d’Orange.

Fans du Celtic et des Rangers, lors d’un Old Firm en 2011, choc entre Irlande et Angleterre, en Écosse. David Moir/Action Images/Reuters

Nier que le Old Firm est politique, et parfois violemment politique, c’est être aveugle et absolument personne à Glasgow ne le nierait. C’est d’autant plus exceptionnel qu’en Angleterre, tout près, et sous les projecteurs du championnat le plus riche et le plus médiatisé du monde, le rêve du spectacle familial et consommateur y est abouti : En English Premier League, un abonné au stade peut être banni s’il se lève trop souvent de son siège.
Au Celtic, la Green Brigade est un groupe ultra particulièrement politisé et revendicatif, aux jumelages (Sankt Pauli, à Hambourg…) explicitement d’extrême gauche. En tant que représentant de la cause irlandaise, de nombreuses autres causes sont considérées comme « amies », et les démonstrations en faveur des Palestiniens ne sont pas rares. Pour ces supporters, revendiquer l’expression politique de leur tribune est plus important que les sanctions sportives ou financières que peut endurer le club.

Le Beitar, un autre club très politique

L’affaire a fait du bruit au Royaume-Uni, mais au même moment, il est passé inaperçu que l’AS Saint-Étienne jouait en Coupe d’Europe contre le Beitar Jérusalem.

Le drapeau du Kach, déployé par les fans du Beitar. Haggai Aharon/Haaretz

Le Beitar Jérusalem : voilà un autre club où les tribunes sont violemment politiques. En Israël, le Beitar, qui tire son nom du mouvement sioniste, représente le public de supporters les plus à droite de l’échiquier politique. Dans les tribunes, et même en dehors, le slogan « Mort aux Arabes » y est régulièrement chanté, aucun joueur arabe (y compris arabe israélien, qu’il soit musulman ou chrétien) ne peut jouer dans l’équipe. Le principal groupe ultra, La Familia, est violent, de nombreux membres ont été condamnés en Europe et en Israël pour violences, et le drapeau du Kach, le parti d’extrême droite israélien interdit, flotte dans les tribunes régulièrement. Le Kach est considéré en Israël et par l’Union européenne comme une organisation terroriste. Cela ne l’empêche d’être visible dans les tribunes et cela ne choque pas plus que ça les supporters médiatiques du Beitar, comme Benjamin Netanyahou ou Avigdor Lieberman.
Le football en Israël n’est pas partout comme cela. Le grand rival du Beitar, L’Hapoël Tel-Aviv est même exactement le contraire. Ses ultras (comme les Red Workers) sont explicitement antifascistes, antiracistes et de gauche. C’est d’ailleurs le cas de la plupart des clubs Hapoël. Leur politique est même d’établir des relations avec les clubs arabes israéliens (comme Bnei Saknin).

A Saint-Étienne, une rivalité « apolitique »

Ce jeudi 25 août, en match retour, le Beitar Jérusalem se déplace à Saint-Étienne. Il y a un an, le club israélien s’est rendu à Charleroi et la rencontre s’était très mal passée. Le Beitar a été sanctionné pour comportement violent de ses supporters. Mais cela ne veut pas dire que cela se passera mal ce jeudi.
Les supporters stéphanois, contrairement à ceux du Celtic, se proclament apolitiques. DansLa Voix de la Nord, l’organe des Magic Fans, ceux-ci avertissent qu’« aucun drapeau palestinien ou israélien ne sera toléré en Kop Nord ». En d’autres termes, il y aura rivalité dans les chants, dans les tifos, voire dans les fumis ou dans les démonstrations de force, mais cette rivalité sera « apolitique ».

Le Kop des Magic Fans de Saint-Étienne. Philippe/FlickrCC BY-SA

Par contre, les supporters du Beitar et les drapeaux qu’ils brandissent, eux ne sont pas apolitiques. Mais, pour l’UEFA, il n’y a rien eu de choquant au match aller. Pour la préfecture de police de la Loire, il n’y a donc aucune raison d’interdire les déplacements de supporters du Beitar.

Des dizaines d’interdictions

D’un certain côté, qu’un match de football puisse avoir lieu en présence des supporters des deux camps est forcément une bonne nouvelle pour quelqu’un qui s’intéresse à la politique des tribunes.
De l’autre, on ne peut pas s’empêcher de penser aux dizaines d’interdictions de déplacements de supporters qui ont frappé les matches en France ces deux dernières années, parfois pour des rencontres complètement bénignes, parfois avec des justifications préfectorales complètement ubuesques. Selon ces standards, il est impressionnant que le curriculum vitae du Beitar ne fait pas sourciller.
Pendant ce temps, brandir un drapeau palestinien – le drapeau d’un pays internationalement reconnu – va être sanctionné par l’UEFA alors que des dizaines d’autres drapeaux nationaux, dont l’israélien, sont visibles dans tous les stades. Et au même moment sont brandis des drapeaux d’une organisation terroriste, sans susciter aucun commentaire, lors d’un match de la même compétition…
Comme le Celtic, le Beitar est parfois condamné par les instances européennes. Des amendes similaires dans les deux cas, pour des actions politiques dont la violence et l’extrémisme n’ont aucune commune mesure.
La Green Brigade du Celtic a lancé un appel aux dons pour financer les amendes éventuelles. Ses membres ont, pour l’instant, reçu plus de cent mille livres (près de 117 000 euros) et projettent d’en profiter pour aider des associations humanitaires palestiniennes. C’est déjà ça.

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