La langue de Molière sera-t-elle reléguée au statut de langue morte de l’autre côté de la Méditerranée azurée, notamment au sein des partis politiques ? Sous l’impulsion de députés représentant la frange conservatrice du pouvoir algérien, l’arabe, la langue officielle, pourrait se réapproprier la maîtrise sémantique du débat public, confortant une légitimité que continue de lui disputer sa grande rivale, le français.
Au risque de raviver une guerre linguistique larvée, l’usage du français, deuxième langue du pays, pourrait être proscrit dans l’arène politique, par le biais d’un amendement présenté par la commission des affaires juridiques, administratives et des libertés de l’Assemblée populaire nationale (APN).
Même si le texte de loi ne le stipule pas en toutes lettres, l’intention du législateur se devine en filigrane : les partis politiques algériens ne pourront plus puiser dans la langue du colonialisme et ses innombrables subtilités pour promouvoir un projet de société pour l’Algérie, s’affronter dans des joutes oratoires, ou se retrancher derrière une langue de bois ampoulée. Legs de la période coloniale, la délicate question de la place de la langue française fait toujours couler de l’encre près de cinquante ans après l’Indépendance, d’autant plus que la politique volontariste d’arabisation totale, à l’école et dans l’administration, a connu moult vicissitudes et controverses intestines.
La loi promulguée le 16 janvier 1991, qui a imposé l’arabe dans tous les secteurs majeurs, prévoyant même des amendes dissuasives pour les Algériens récalcitrants, n’a jamais fait consensus, et son application, loin d’être au pied de la lettre, fut parcimonieuse. Sur toutes les lèvres officielles, y compris dans la bouche présidentielle, à l’instar d’Abdelaziz Bouteflika qui décèle dans ses inflexions des vertus « émancipatrices et de progrès », étudié par la progéniture de l’élite dans des écoles étrangères installées sur le territoire national et dans des prestigieuses universités occidentales, le français n’est ni tombé en désuétude, ni en disgrâce. Mais il faut dire que l’hypocrisie des hautes sphères est, en soi, un langage universel...
Sans être pour autant son point d’orgue, l’interdiction du français dans l’expression politique est un des amendements phares d’un projet de loi organique lié aux partis politiques, qui fera certainement débat, et en fera peut-être même perdre à certains leur latin.
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