Le caractère décisif des échéances politiques et institutionnelles qui s’annoncent en cette année charnière, ne semble pas interpeller le pouvoir sur la nécessité d’engager le débat avec la classe politique et la société.
Un Président invalide, absent des affaires depuis quatre mois ; mystère autour du projet de révision de la Constitution ; les institutions de l’Etat frappées d’immobilisme et des échéances publiques ajournées. L’Algérie renvoie l’image d’un pays figé. Totalement bloqué. A six mois seulement de l’élection présidentielle, l’inquiétante incertitude domine la météo politique et brouille les cartes, renforçant ainsi l’impasse historique dans laquelle la caste régnante a enfermé la nation. Le statu quo n’est plus tenable, sauf à faire courir à l’Etat, déjà déliquescent, le risque d’un effondrement. La rentrée politique s’annonce sans calendrier, malgré le caractère décisif des rendez-vous institutionnels et politiques en cette année charnière. En fermant arbitrairement le jeu politique et en tenant les Algériens loin des affaires qui les concernent, les tenants du pouvoir – militaires et civils –, imperméables à toute idée de changement, ont lamentablement échoué à placer le pays dans une perspective politique démocratique et nationale. Les supposées réformes politiques «engagées» en 2011 par le locataire d’El Mouradia, Abdelaziz Bouteflika, accompagnées d’un enthousiasme faussement emballé, ont débouché sur le vide. Elles étaient un remède factice à une grave maladie. Des promesses non tenues qui ont fait rater au pays une autre occasion de s’engager sérieusement sur la voie des réformes, à défaut du changement radical amorcé en le contexte dans plusieurs pays de la région.
jeu politique fermé
Reste, pour de nombreux acteurs politiques, l’élection présidentielle 2014 qui pourrait constituer une opportunité pour ouvrir un vrai débat national sur des questions stratégiques, pouvant redonner des possibilités de changement de système de gouvernance et mobiliser toutes les énergies que recèle le pays. Mais force est d’admettre que, dans la réalité objective, les conditions d’une telle démarche sont complètement éliminées. Aucun signal n’est envoyé du noyau du pouvoir pour éclairer un tant soit peu les Algériens sur ses intentions. Et c’est même à se demander si un cap a été tracé en haut lieu. Les mascarades politiques et les tromperies électorales successives ont fini par écorner le moral des Algériens et démobiliser ses élites politiques, longtemps poussées hors des frontières d’un débat national sans cesse réclamé. La confiance est rompue. Il sera difficile de la rétablir.
La présidentielle 2014, sur laquelle pèsent des sérieux doutes, présente plus les signes d’une grande supercherie que ceux d’un rendez-vous politique sérieux. Les partis politiques, dont certains sont embourbés dans des crises internes, peinent à «secouer» le paysage et à aborder de front cette échéance. Tous les regards sont tournés vers la tour du pouvoir, guettant le moindre signal. La prudence des candidats dits potentiels, ajoutée au scepticisme de l’opposition, jettent par anticipation un réel discrédit sur cette élection tant les blocs monolithiques au pouvoir s’emploient habilement à fermer le jeu de sorte à organiser la succession de Abdelaziz Bouteflika en intra-muros. Les conditions démocratiques permettant une compétition politique équitable et une élection ouverte sont quasi-nexistantes. Le futur Président serait issu d’un consensus des décideurs qui demeurent maîtres du jeu. Ils se posent en tuteurs de la nation, investis de la mission de diriger les affaires du pays. Les adversaires politiques sont relégués au rang d’«ennemis de la nation».
Les multiples appels lancés par de nombreuses personnalités politiques en faveur d’une transition démocratique n’ont pas trouvé d’écho ni du côté du pouvoir ni de celui d’une opinion publique exaspérée et déroutée.
Le spectacle indécent que renvoient les luttes au sein de l’ex-parti unique ne fait qu’accentuer la rupture entre un régime érodé jusqu’à la corde et une société qui tente de sortir du musellement.
L’instrumentalisation de l’administration et la soumission de la justice par des groupes au sein du pouvoir pour des arrangements claniques est symptomatique d’une privatisation des institutions de l’Etat, achevant le peu de crédibilité qui lui reste. L’Etat, vidé de son essence politique, est réduit dangereusement à la simple fonction policière. Un dirigeant du RCD n’hésite pas à qualifier cette séquence de «réduction de l’Etat à une jungle». L’ordre, qui s’est imposé par la terreur au lendemain de l’indépendance, a atteint ses limites historiques ; il est devenu obsolète. Les Algériens, qui ont résisté vaillamment durant une cinquantaine d’années, ne peuvent plus attendre.
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