«L’Algérie appelle, aujourd’hui plus que jamais, la communauté internationale à encourager et à soutenir les parties syriennes à engager un processus politique de sortie de crise au service de la paix, de la stabilité du pays, de la cohésion et du progrès du peuple syrien frère», a-t-on déclaré hier au ministère des Affaires étrangères.
Si la Ligue arabe a condamné mardi «les crimes ignobles» perpétrés en Syrie par l’usage d’armes chimiques, Alger a de son côté émis des réserves sur l’alinéa 4 de la décision, relatif «au soutien total au peuple syrien pour se défendre» et le recours au Conseil de sécurité. «L’Algérie a exprimé, comme elle l’avait fait par le passé, son refus de toute intervention armée dans un pays souverain en dehors des normes du droit international», a ajouté le communiqué des AE. «De notre point de vue doctrinal, de nos réserves sur ce qui s’est passé en Libye, de nos relations avec ce pays, cette position est tout à fait normale», résume un diplomate en prévoyant d’ores et déjà que lundi et mardi, lors de la prochaine réunion de la Ligue arabe avec cette fois-ci les ministres des Affaires étrangères, l’Algérie «s’abstienne à nouveau ou vote contre la résolution condamnant le président syrien». D’une même voix avec Lakhdar Brahimi, émissaire spécial des Nations unies et de la Ligue arabe pour la Syrie, Mourad Medelci avait déjà préconisé en juin dernier «un règlement pacifique de la crise».
Indéfectibles
Comme elle l’avait fait pour la Libye ou le Mali, alimentant les critiques des chancelleries étrangères, qui depuis 2011 et le début des révoltes arabes, accusent les Affaires étrangères d’avoir «manqué d’ambition» et de «rester figée sur son dogme de la non-ingérence». Abdelaziz Medjahed, général-major à la retraite, estime que de tels jugements «dénaturent la position algérienne». «Son seul principe, c’est la souveraineté des peuples. Qu’on ne nous parle pas de non-interventionnisme ! A la fin des années 1960 et au début des années 1970, l’Algérie a mis tous ses moyens à la disposition des pays arabes contre Israël !», relève-t-il. Le ministère a aussi rappelé que «l’Algérie a été à l’avant-garde, en 1997, dans l’élaboration et l’adoption de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques», et qu’elle a fait de «l’illicéité de l’utilisation de cette arme de destruction massive une limite qu’aucun Etat ne pouvait franchir sans violer la légalité internationale et enfreindre un code de bonne conduite dans les relations internationales.»
Kamel Bouchama, ancien ambassadeur d’Algérie en Syrie, précise : «Je ne défends pas le régime syrien, il fonctionne comme tous les pays arabes, mais c’est un pays souverain qui vit une guerre civile atroce imposée par des faiseurs de guerre et qui risque de connaître un démembrement comme celui qui a été organisé en Irak. La position de l’Algérie est simplement objective. L’Algérie doit avoir des positions claires, indéfectibles, qui puissent soutenir la vérité, parce qu’on sait – je sais, parce que je connais bien ce régime – que Bachar Al Assad n’a pas utilisé d’armes chimiques, car il n’avait aucun intérêt à le faire.» Pour un autre ancien ambassadeur, Abdelaziz Rahabi, le positionnement de l’Algérie est également motivé par le rejet d’une intervention occidentale dans la société. «L’opinion publique a été marquée par le précédent irakien, mais plus encore et de manière durable, par la question palestinienne, analyse-t-il. Elle ne comprend pas le double standard selon lequel l’Occident se montre exigeant vis-à-vis du monde arabe et n’exige rien d’Israël qui viole toutes les résolutions internationales.»
Agression
Reste la question de l’influence réelle de son vote et… de celui de la Ligue arabe, «une ligue de traîtres créée par des Britanniques pour servir les intérêts de l’empire britannique qui se sert de ses valets, les monarchies qu’il a lui-même installées», estime Abdelaziz Medjahed. Kamel Bouchama et Abdelaziz Rahabi le rejoignent, regrettant que l’Algérie, «trop timide», «obéissant à un Président qui ne souhaite pas déplaire aux Occidentaux», ne soit plus «l’enfant terrible de la diplomatie mondiale» et ne soit plus aussi «engagée que dans les années 1970 dans des dossiers (Sahel, question palestinienne, ndlr) sur lesquels elle aurait pourtant beaucoup de choses à dire». Quoi qu’il en soit, Alger ne sera pas la seule à figurer dans ce nouveau «front du refus» dont le plus influent représentant reste Moscou. La presse officielle chinoise a appelé hier à une mobilisation internationale pour empêcher une intervention armée. Mercredi, plusieurs pays d’Amérique latine se sont aussi prononcés contre. «Une agression contre la Syrie aurait des conséquences extrêmement graves pour le Moyen-Orient, une région qui est déjà en proie à des troubles», a déclaré le ministère cubain des Affaires étrangères. Le président de l’Equateur, Rafael Correa, celui de la Bolivie, Evo Morales, et le Vénézuélien Nicolas Maduro ont aussi condamné les menaces de frappes.
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Mélanie Matarese
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