On en connaît un peu plus sur le Conseil National de Transition libyen – ce regroupement d’insurgés auquel les puissances occidentales ont accordé aveuglément l’appui formidable de leurs forces aériennes. Et ce que l’on apprend n’a rien de rassurant.
Le président du CNT (Conseil National de Transition), Moustapha Abdeljalil, alors juge, présidait la Cour d’appel de Tripoli qui a confirmé le verdict de peine de mort imposé aux infirmières bulgares que le régime Kadhafi avait littéralement prises en otage entre 1999 et 2007, sous prétexte qu’elles auraient inoculé le virus du sida à des enfants libyens (sic).
Le journaliste Georgui Mikov, qui a suivi cette ignoble affaire, a déclaré àL’Express que «M. Abdeljalil a été nommé ministre de la Justice en 2007 en récompense de son intransigeance (dans ce dossier)».
Abdel Fattah Younis, le «chef militaire» de la rébellion, est l’ancien ministre de l’Intérieur de Kadhafi. En cette qualité, il avait la main haute sur le système de torture dont les otages bulgares, entre autres, ont été victimes.
Idris Laga, le «coordonnateur militaire» de la rébellion, est l’ancien président de l’Association des parents d’enfants infectés, l’organisation mise sur pied pour faire monter les enchères sur le «rachat» des prisonnières bulgares. Selon Vladimir Tchoukov, spécialiste du monde arabe, «Laga est un homme sans scrupule animé par une haine profonde de l’Occident».
Le visage extérieur de la rébellion est incarné par Mahmoud Jibril, un diplômé de l’Université de Pittsburgh, mais derrière lui la réalité est tout autre.
Une équipe de France 2 a réussi à rencontrer le président Abdeljalil dans le lieu où il se cache, sa tête ayant été mise à prix par Kadhafi. L’homme a 59 ans, il parle d’un ton feutré. Détail qui frappe: il a sur le front ce qu’on appelle la «marque de prière», le signe des musulmans ultra-pieux.
Comme le nez et le front doivent être bien posés sur le sol et que les «pieux» doivent multiplier les prosternations, et ce, au moins cinq fois par jour, le frottement répété du front sur le tapis de prière produit cette marque sombre et calleuse.
Au beau milieu de l’interview, le chef des rebelles s’interrompt inopinément et se tourne en direction de la Mecque. C’est l’heure de la prière, l’interview est terminé.
M. Abdeljalil a un diplôme en études sur la charia. Il se serait retourné contre Kadhafi, dit-on, à cause du traitement subi par les prisonniers politiques. On peut supposer que les prisonniers dont il prenait la défense étaient des islamistes soupçonnés de collusion avec Al-Qaïda ou avec l’Islam radical, ces derniers ayant été ces dernières années les principales cibles de Kadhafi.
Le 12 mars, l’un des chefs d’Al-Qaïda au Sahara, le Libyen Abou Yahya, a diffusé un message vidéo enjoignant les rebelles de poursuivre le combat et d’instaurer une république islamiste. Enfin, selon le service de recherche du Congrès américain, l’un des groupes associés aux insurgés, le Mouvement islamique libyen pour le changement, a été identifié comme lié à Al-Qaïda.
Quant à la direction militaire de l’insurrection, elle est inexistante, comme on le voit par les comptes rendus quotidiens des journalistes français qui suivent les opérations au front. Les très rares officiers visibles racontent n’importe quoi, se contredisent ou mentent carrément. Les combats sont laissés à des jeunes non formés et indisciplinés, les «chabab»… qui reçoivent, en même temps que leur ration alimentaire, des doses de haschisch.
Et c’est à cette «armée» que Hillary Clinton et Alain Juppé pensent à envoyer des armes? On croit rêver, devant tant d’irresponsabilité.
Par Lysiane Gagnon pour La Presse (Canada)
No comments:
Post a Comment