Une employée décompte des billets de banque tunisiens à la Banque centrale. Crédits photo : FETHI BELAID/AFP
La chute de Ben Ali et de sa femme Leïla Trabelsi pourrait donner un grand bol d'air à l'économie tunisienne. Corruption et spoliation étaient monnaie courante.
Les clans de l'ex-président Ben Ali et de sa femme Leïla Trabelsi ont tenu d'une main de fer jusqu'au bout l'économie de la Tunisie. Leur fuite devrait donner une plus grande liberté aux chefs d'entreprise qui craignaient comme la peste «la Famille», comme ils surnommaient le pouvoir, en référence aux films évoquant la mafia.
«La famille élargie du président est fréquemment présentée comme le carrefour de la corruption en Tunisie», écrit un diplomate américain dans un mémo publié par WikiLeaks et Le Monde. «Expropriation», «extorsions de pots-de-vin», le fonctionnaire énumère les cas d'abus de pouvoir flagrants dans une note datée de juin 2008 et intitulée «ce qui est à vous est à moi».
«Ces personnes étaient présentes dans beaucoup de secteurs, ils ponctionnaient les profits des entreprises et ont réduit par conséquent la capacité de ces dernières à investir», note Jean-Raphaël Chaponnière, économiste à l'Agence française pour le développement (AFD). Moins d'investissement, c'est moins de croissance et moins d'emploi.
Pour échapper à la voracité des Ben Ali et des Trabelsi, les entrepreneurs avaient adopté un leitmotiv, «rester petit», rapporte Béatrice Hibou,économiste au CERI-Sciences Po. «Les chefs d'entreprises disaient avoir peur d'investir et de grandir. Si c'est vrai, alors le départ des clans devrait entraîner une reprise de l'investissement», ajoute la chercheur, qui avance aussi d'autres explications à ce phénomène, comme le maintien du contrôle des sociétés par la famille de l'homme d'affaires. Et la volonté de ne pas ouvrir les comptes.
Après 24 ans de règne de Ben Ali, la Tunisie se caractérise «par le nombre extrêmement faible de grandes (0,4 % du total des entreprises) et même de moyennes entreprises (0,3 % ou 1,7 %)», relève Béatrice Hibou. Même «le plus grand des groupes tunisiens, Poulina, est en réalité un conglomérat de 71 filiales pour 6 000 salariés seulement.»
Le pouvoir ne se contentait pas de spolier. Il utilisait aussi le fisc pour remercier ou punir. «Les impôts étaient prélevés de façon très arbitraire: si vous n'étiez pas en odeur de sainteté à Carthage, vous essuyiez un redressement fiscal ; si vous étiez un ami, vous ne payiez pas d'impôts», relève ainsi Mohamed Ali Marouani, économiste à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Les sociétés étrangères n'échappaient pas à la règle: «tout le monde est passé à la caisse!», dénonce un ancien ministre du prédécesseur de Ben Ali, Habib Bourguiba, et «exilé volontaire» à Paris. «Le pouvoir se servait sans retenue, c'est même ce qui a tué le régime», ajoute Catherine Graciet, auteur d'une enquête sur la femme de Ben Ali, Leïla (La Régente de Carthage).
Pas sûr toutefois que la disparition de cette quasi-mafia permette un rebond spectaculaire des investissements. «Avec l'évènement mouvementé de la démocratie, nous entrons dans des temps incertains peu propices aux investissements», prévient Jean-Raphaël Chaponnière, économiste à l'Agence française pour le développement (AFD). L'agence de notation Moody's a d'ailleurs dégradé la note du pays ce mercredi. La corruption, d'après de nombreux observateurs, devrait survivre à la dictature, bien qu'à une moindre échelle.
«La famille élargie du président est fréquemment présentée comme le carrefour de la corruption en Tunisie», écrit un diplomate américain dans un mémo publié par WikiLeaks et Le Monde. «Expropriation», «extorsions de pots-de-vin», le fonctionnaire énumère les cas d'abus de pouvoir flagrants dans une note datée de juin 2008 et intitulée «ce qui est à vous est à moi».
La voracité des Trabelsi
«Ces personnes étaient présentes dans beaucoup de secteurs, ils ponctionnaient les profits des entreprises et ont réduit par conséquent la capacité de ces dernières à investir», note Jean-Raphaël Chaponnière, économiste à l'Agence française pour le développement (AFD). Moins d'investissement, c'est moins de croissance et moins d'emploi.
Pour échapper à la voracité des Ben Ali et des Trabelsi, les entrepreneurs avaient adopté un leitmotiv, «rester petit», rapporte Béatrice Hibou,économiste au CERI-Sciences Po. «Les chefs d'entreprises disaient avoir peur d'investir et de grandir. Si c'est vrai, alors le départ des clans devrait entraîner une reprise de l'investissement», ajoute la chercheur, qui avance aussi d'autres explications à ce phénomène, comme le maintien du contrôle des sociétés par la famille de l'homme d'affaires. Et la volonté de ne pas ouvrir les comptes.
Impôts arbitraires
Après 24 ans de règne de Ben Ali, la Tunisie se caractérise «par le nombre extrêmement faible de grandes (0,4 % du total des entreprises) et même de moyennes entreprises (0,3 % ou 1,7 %)», relève Béatrice Hibou. Même «le plus grand des groupes tunisiens, Poulina, est en réalité un conglomérat de 71 filiales pour 6 000 salariés seulement.»
Le pouvoir ne se contentait pas de spolier. Il utilisait aussi le fisc pour remercier ou punir. «Les impôts étaient prélevés de façon très arbitraire: si vous n'étiez pas en odeur de sainteté à Carthage, vous essuyiez un redressement fiscal ; si vous étiez un ami, vous ne payiez pas d'impôts», relève ainsi Mohamed Ali Marouani, économiste à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Les sociétés étrangères n'échappaient pas à la règle: «tout le monde est passé à la caisse!», dénonce un ancien ministre du prédécesseur de Ben Ali, Habib Bourguiba, et «exilé volontaire» à Paris. «Le pouvoir se servait sans retenue, c'est même ce qui a tué le régime», ajoute Catherine Graciet, auteur d'une enquête sur la femme de Ben Ali, Leïla (La Régente de Carthage).
«Des temps incertains»
Pas sûr toutefois que la disparition de cette quasi-mafia permette un rebond spectaculaire des investissements. «Avec l'évènement mouvementé de la démocratie, nous entrons dans des temps incertains peu propices aux investissements», prévient Jean-Raphaël Chaponnière, économiste à l'Agence française pour le développement (AFD). L'agence de notation Moody's a d'ailleurs dégradé la note du pays ce mercredi. La corruption, d'après de nombreux observateurs, devrait survivre à la dictature, bien qu'à une moindre échelle.
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