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Wednesday, 22 May 2013

Hind Bensari brise le tabou du viol en donnant la parole à la société marocaine

Hind Bensari brise le tabou du viol en donnant la parole à la société marocaine
 
Avec son documentaire 475: Trêve de Silence, Hind Bensari apporte un nouvel outil de communication sur la problématique du viol au Maroc.

C’est l’histoire d’Amina Filali, une jeune fille de 16 ans contrainte d'épouser son violeur et qui s’est donné la mort en mars 2012, qui a poussé Hind Bensari à s’intéresser au sujet du viol au Maroc. Emue par cette histoire, la jeune femme installée à Londres a tout de suite cherché à en savoir plus, mais n’était pas très convaincue par l’esprit sensationnaliste des médias : «Je me disais que ce devait être plus complexe que cela. J’ai pensé à écrire un article mais une petite voix me disais qu’il fallait faire du visuel pour toucher un large public». Hind décide donc de se lancer dans le documentaire. Une véritable aventure pour cette autodidacte du reportage.
Hind apprend à distinguer la religion de sa réappropriation
«Je me rendais au travail tous les jours en imaginant à quoi pourrait ressembler mon documentaire. Avec cette peur : je n’ai jamais fait d’études de cinéma, je ne sais même pas ce qu’est une caméra», nous confie Hind. Diplômée de l’Université d’Edimbourg en économie et études du Moyen-Orient, la jeune femme qui a passé un an à l’Université américaine de Beyrouth avant d’étudier l’économie politique internationale à la London school of economics, occupe alors le poste de business développeur chez Lybia Business TV. Un projet ambitieux pour expliquer le business du Moyen Orient, mais qui a sous estimé les effets de la crise Lybienne, nous précise-t-elle. Mais bien que le projet soit passionnant, son esprit est ailleurs et dès juin 2012, elle entame un travail de recherche à tous les niveaux, qui durera deux mois. Elle aborde à cette occasion différents professeurs d’université à Londres pour avoir leur feed-back et s’enrichit à leur contact : « ils m’ont notamment appris à faire la distinction entre la religion, la réappropriation du texte religieux, puis sa réappropriation par les gens, ce qui est très important ».
Dès le mois d’août, dès qu’elle le peut, lors de sa pause déjeuner ou lorsque son patron a le dos tourné, Hind prend son téléphone. «A chaque fois que je lisais un article sur le sujet et qu’une personnalité en parlait, je marquais son nom et allais sur le net chercher tout ce que je pouvais sur elle», nous explique la jeune Londonienne. Elle constitue ainsi deux pages de numéros de téléphone, prend son souffle et lance les appels : «je suis une jeune marocaine de Londres et je voudrais faire un reportage sur le sujet du viol au Maroc, voudriez-vous y participer?».
Mais Hind se trouve rapidement confrontée à la plus grande difficulté, celle d’obtenir un entretien lorsqu’on est une simple inconnue. Les plus méfiants des interlocuteurs sont les associations, nous précise d’ailleurs la réalisatrice en herbe. «Ah mais c’est un sujet très sensible. On ne vous connait pas. Envoyez nous un CV et une déclaration sur l’honneur signée par le Mokaddem pour vérifier que c’est bien vous…», lui rétorquent-tour à tour les associations, sans donner suite. Hind avoue même s’être retrouvée à faire du marketing en leur vendant l’apparition du nom de leur association dans le reportage.
N’étant pas de nature à baisser les bras, Hind persévère, trouve quelques contacts et dépêche une équipe de tournage sur place. Elle rentre au Maroc en septembre pour commencer à filmer mais son équipe la lâche deux jours avant son premier entretien. Un mal pour un bien puisqu’un professeur de montage lui présente Raja Saddiki. Pour la fille de Tayeb Saddiki et Hind, c’est le début d’une belle aventure et d’une grande amitié.
Un Canon EOS 5 D, un trépied, et c’est parti
Hind lance alors le projet avant même de chercher les financements et a besoin d’un délai de trois mois pour payer son équipe. Elle explique la situation à Raja qui lui rétorque : «On va se débrouiller : on prend un Canon EOS 5 D, avec un trépied, on dirait une camera». Elles font alors leurs calculs : salaire de Raja et coût de location du matériel, du son et des autres prestataires… Elles déterminent un budget et se lancent pour deux semaines de tournage. N’ayant pas d’autorisation, elles se font passer pour de jeunes étudiantes en cinéma ou en architecture. «On a pris les plans et filmé les intervenants. Je commençais à avoir une trame et plus ou moins à comprendre comment j’allais pouvoir gérer la question : c’est là que j’ai commencé à écrire le script», se souvient la jeune réalisatrice.
Un budget total de 4802 dollars !
De retour à Londres, Hind télécharge Final cut pro et monte une petite vidéo de 1min 30s avec l’aide d’une amie. Elle y explique le problème du viol au Maroc et sa démarche, puis la poste sur le site de cofinancement en ligne indiegogo.com. «La vidéo commençait par l’article 475 traduit en anglais. J’ai expliqué ensuite que j’étais en phase de questionnement et que je voulais comprendre pourquoi le Maroc est arrivé à privilégier le secours du violeur ou le mariage à l’intégrité d’une jeune fille. J’ai également précisé que je voulais réaliser un documentaire pour poser des questions aux gens et aux experts afin de mieux comprendre ce problème», nous précise hind.
Le 3 novembre, elle dépose son business plan sur le site et fait un appel à contribution de 4802 dollars. «J’ai expliqué au dollar près à quoi le budget allait être affecté puis j’ai demandé à tous mes amis au Liban, au Maroc, à Londres, de diffuser l’information», explique Hind. Alors qu’elle se donne 33 jours pour atteindre son objectif, en 20 jours, tous les fonds sont récoltés.
Parallèlement, Hind créé une page Facebook et communique sur le processus du projet. Pour faire réfléchir les gens sur d’autres sujets, jusqu’au jour où allait être lancé le documentaire, l’équipe fait des vidéos pour construire son audience. Notamment celle de la notion du bonheur selon le sexe au Maroc dans laquelle le Dr. Siham Benchekroun explique cette vision très matérialiste du bonheur de la femme et les conséquences que cela engendre.
Le retour au Maroc pour le final
Complètement investie dans son projet, lorsque Hind réalise qu’il est impossible de tout gérer depuis Londres et qu’elle doit encore filmer, elle prend un congé sans solde de 6 mois, déménage en janvier et laisse un téléphone et un petit compte bancaire au cas où… Elle confie alors le montage du documentaire à Raja et les illustrations, effets de texte, prises d’écran et générique à l’infographiste Abdelhamid Serghini.
Après quelques nouvelles séquences en février puis en mars, c’était dans la boite. La petite équipe passe alors trois longs mois de montage à peaufiner ce qui allait être le documentaire 475: Trêve de Silence. «Nous étions tous les trois à la maison, et nous avons fait avec les moyens du bord, chacun avec son Mac. Le montage a été un long processus, mais au final cela a donné un montage très musical et tout s’est bien passé», conclue Hind, qui ressort avec «une superbe expérience et de belles amitiés».
La version française du documentaire étant déjà en ligne sur youtube, il ne reste plus à Hind qu’à le traduire en arabe pour une diffusion dans les lycées marocains, puis en anglais, comme promis à ses bailleurs, qui ont été nombreux, depuis les Etats-Unis jusqu’au Japon, à soutenir ce projet.



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