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Wednesday 19 January 2011

Tunisie: le retour du parti islamiste interdit

Ennahda veut jouer un rôle politique, après des années d’exil et de prison.
Le parti islamiste Ennahda (Renaissance), véritable épouvantail de l’ancien régimeBen Ali, demande à être légalisé et veut revenir sur la scène politique tunisienne et se présenter aux élections législatives.
Depuis quelques jours, ses dirigeants font passer des signaux dans la presse et on a même vu l’un de ses leaders historiques, Sadok Chourou, 63 ans, en tête d’une petite manifestation, hier à Tunis, pour demander un gouvernement sans la présence du parti qui a tenu la Tunisie sous sa coupe, le RCD. Chourou, l’ancien émir d’Ennahda, avait été libéré de prison le 30 octobre dernier, après vingt ans dans les geôles tunisiennes.
Pour sa part, Rachid Ghannouchi, l’actuel chef du mouvement islamiste tunisien, a annoncé dans plusieurs interviews - à nos confrères de "Libération" et du "Soir" notamment - son intention de revenir au pays, après de longues années d’exil au Royaume-UniGhannouchi avait été condamné à la prison à perpétuité en 1992 pour complot contre le président. Il estime que cette condamnation, après le renversement du régime, n’a plus aucune valeur.
Ghannouchi, né à Hamma dans le sud de la Tunisie en 1941, influencé dans sa jeunesse par la révolution de Khomeiny, a été l’un des fondateurs du Mouvement de la tendance islamique (MTI) dans les années 80. Plusieurs fois condamné, il avait été gracié par Ben Ali à son arrivée au pouvoir, mais les relations entre les deux hommes s’étaient vite détériorées quand Ennahda avait réclamé avoir obtenu 22 % des voix aux élections de 1989, alors que le RCD prenait les commandes du pouvoir. Ce fut le début de l’exil.
Les officiels de la sécurité tunisienne, ces dernières années, évoquaient toujours le "terroriste Ghannouchi" et liaient automatiquement le mouvement interdit au réseau al Qaeda. Le régime Ben Ali n’a jamais offert la moindre preuve à ce propos.
"Ben Ali a essayé de nous associer au fondamentalisme et au terrorisme" a a dit Rached Ghannouchi au journal "Libération". "C’est un mensonge. Nous sommes proches du Parti de la justice et du développement (AKP) en Turquie. Nous sommes pour la démocratie, pour le statut de la femme en Tunisie. Nous sommes un mouvement pacifique et modéré." Ennahda avait fait des concessions importantes, après la grâce accordée à Ghannouchi, notamment en acceptant un statut avancé pour la femme tunisienne et l’avortement.
En Belgique, Ennahda est suivi depuis une vingtaine d’années par la Sûreté de l’Etat, mais n’a jamais suscité d’inquiétude sérieuse. Le mouvement avait dans les années nonante un bras armé, le Front islamique tunisien (FIT), qui était considéré davantage comme un groupe d’opposition au régime Ben Ali que comme un groupe terroriste. Son représentant en Belgique, Walid Bennani, qui vivait en région liégeoise, fut longtemps suivi dans ses pérégrinations. Il défraya la chronique en 1992 lorsque l’Office des étrangers voulut l’expulser au motif qu’il avait utilisé un faux passeport. "Bennani a fortement évolué. Il est plus branché aujourd’hui sur les Frères musulmans", explique une source proche de la Sûreté.
Aucun des ressortissants tunisiens qui ont été impliqués dans les actions du réseau d’al Qaeda - dont les deux assassins du commandant Massoud, mais aussi Adel Tebourski, renvoyé par la France en Tunisie en 2007 - n’avait de lien avec Ennahda.
De là à croire qu’Ennahda restera un mouvement modéré s’il s’inscrit dans une logique politique en Tunisie, les avis sont partagés. Michael Collins Dunns, l’auteur américain d’une étude sur Ennahda en 1992 ("Political islam : the case of Tunisia’s al-Nahda) estime qu’à ce stade, il vaut mieux inclure les islamistes que de les exclure. "Rached Ghannouchi a gardé et renforcé une image modérée pendant ses années à Londres", nous a-t-il dit mardi. "Bien sûr, nous ne savons pas ce que les islamistes tunisiens, si longtemps réprimés, peuvent penser. Mais à ce stade, je pense que la Tunisie doit inclure autant de courants d’idées que possible."
Ce à quoi Claude Moniquet, spécialiste belge de l’islam politique, rétorque que "le mouvement a tendance à avancer masqué, comme beaucoup de mouvements islamistes. Ce n’est pas un mouvement qui va se lancer dans la violence, mais il cherchera certainement à conquérir le pouvoir."

SAVOIR PLUS

Plus de 100 morts en 5 semaines, selon des informations de l'ONU
Plus de 100 personnes ont été tuées dans des violences en Tunisie au cours des cinq dernières semaines selon des informations compilées par l'ONU sur place, a indiqué mercredi la Haut commissaire aux droits de l'Homme des Nations Unies, Navy Pillay. "Mon bureau a reçu des informations concernant plus de 100 décès au cours des cinq dernières semaines, résultant de tirs ainsi que de suicides de protestation et des émeutes dans les prisons durant le week-end", a expliqué Mme Pillay lors d'un point de presse.
Selon les chiffres officiels tunisiens, ce dernier mois d'émeutes populaires qui a balayé le régime autocratique du président Zine El Abidine Ben Ali a fait 78 tués et 94 blessés.

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