Plus de quarante manifestants ont été blessés à Alger le 22 janvier, lors d'un rassemblement de l'opposition interdit et dissout manu militari par les autorités.
Il serait sans doute hâtif de faire état d'une contagion révolutionnaire, mais sans parler de l'Albanie, à l'évidence au Maghreb et dans le monde arabe, en Egypte, en Mauritanie, en Algérie, en Jordanie et même en Arabie Saoudite où un homme de 65 ans aurait tenté de s'immoler par le feu, la chute du dictateur tunisien Ben Ali a réveillé les aspirations des peuples à la démocratie.
Ce samedi à Alger, malgré et d'ailleurs notamment pour protester contre l'Etat d'urgence en vigueur depuis 1992 dans le pays, des centaines de personnes ont manifesté à l'appel du RCD, le Rassemblement pour la culture et la démocratie, parti d'opposition algérien à ne pas confondre avec le RCD du Tunisien Zine El Abidine Ben Ali, la formation du dictateur déchu vendredi dernier.
Malgré l'interdiction formelle des autorités, le RCD avait appelé ce samedi à un rassemblement devant son siège situé sur l'avenue historique Didouche Mourad, avant une marche sur le Parlement. Bilan de la manifestation : au moins quarante-deux personnes ont été blesséesselon Saïd Sadi, le président du parti d'opposition.
"Il y a eu plusieurs blessés et parmi eux le chef du groupe parlementaire du RCD Othmane Amazouz, ainsi que de nombreuses arrestations" a déclaré M. Sadi à l'AFP. Dans un premier temps, à la mi-journée, le député et porte-parole du RCD Mohsen Belabbes avait fait état de cinq blessés, quant à l'agence de presse officielle APS, elle a évoqué sept policiers blessés lors des affrontements entre manifestants et forces de l'ordre, dont deux dans un état grave.
Ailleurs en Algérie, à Bejaia, 260 km à l'ouest de la capitale, un journaliste de l'AFP témoigne avoir vu Reda Boudraa, le chef régional du parti d'opposition évacué la tête en sang, après avoir reçu un coup de bâton.
Alors que l'agence officielle APS a annoncé cinq interpellations, d'autres sources dont l'AFP qui a assisté à des interventions musclées de la police, parlent d'une centaine d'arrestationsparmi lesquelles apparemment celle d'Arezki Aïter, le député RCD de Tizi Ouzou, la principale ville de Kabylie, relâché une heure plus tard selon les instances de son parti.
Certains brandissant des drapeaux algériens, d'autres celui de la Tunisie voisine, les manifestants ont clamé entre autres slogans, "Algérie démocratique", "le pouvoir y en a marre", "Etat assassin' ou encore "Algérie libre, Algérie démocratique".
Tôt ce samedi matin, ils étaient déjà près de 300 devant le siège du RCD, confrontés à des centaines de policiers casqués, boucliers et matraques en main, et à des tirs de grenades lacrymogènes.
Depuis le premier étage du bâtiment, le leader du RCD Saïd Sadi clamait par haut-parleur "je suis prisonnier dans le siège du parti (...) on ne peut pas mener de lutte pacifique quand on est assiégé". Ledit siège a été levé en début d'après-midi, vers 13h30, après la dispersion de la manifestation.
Depuis la veille au soir, dans la perspective de ce rassemblement interdit par la Wilaya (la préfecture...), des dizaines de véhicules blindés avaient pris position au quatre coins d'Alger en particulier dans le centre historique, et les forces de sécurité avaient établi des barrages aux entrées de la ville refoulant notamment trois cars de manifestants en provenance de Kabylie.
Le déploiement policier était particulièrement impressionnant place de la Concorde, où devait débuter la marche en direction de l'Assemblée nationale populaire, et autour du palais présidentiel, dans les hauteurs d'Alger, où une douzaine de véhicules armés de canon à eau ont pris position.
Se désolant de cette démonstration de force et des événements de la journée, Mostefa Bouchachi, le président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme interrogé par l'AFP a estimé que "le fait d'interdire des marches pacifiques encadrées par des partis et la société civile" revenait à "pousser à une explosion".
Début janvier, après cinq jours d'émeutes contre la cherté de la vie qui avaient fait cinq morts et plus de 800 blessés, le calme était revenu après l'annonce d'une baisse des prix des produits de première nécessité. De fait en ce 22 janvier, comme en Tunisie où la révolte contre le chômage et la vie chère a tourné au renversement d'un régime inique, la contestation semble définitivement avoir pris un tour politique en Algérie.
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