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Saturday, 22 January 2011

Manifestations en Algérie : « Le pays est miné de toute part »

Interdite par le pouvoir, la manifestation organisée ce samedi par le RCD, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (ce parti n'a rien à voir avec le RCD tunisien) a été durement réprimée. Dès vendredi, pour contenir la foule, de nombreux barrages de police ont été installés dans la capitale. Le quotidien El Watan indique que le trafic ferroviaire a été suspendu et les routes de Boumerdès et Tizi-Ouzou bloquées.
La manifestation n'a finalement pas eu lieu. En fin de matinée, devant le siège du RCD, l'impressionnant cordon de police a d'abord empêché les manifestants de sortir de l'immeuble avant de disperser avec violence ceux qui ont tenté d'avancer.

« Algérie libre ! »

D'après le RCD, 40 personnes ont été blessées dont deux grièvement. Le chef régional du RCD à Bejaia, Reda Boudraa, a été blessé à la tête après avoir reçu un coup de bâton. Un député de Tizi-Ouzou a également été malmené par la police. Arrêté, il a été relâché dans l'après-midi.
Le gouvernement a annoncé que sept policiers avaient été blessés durant les affrontements avec les manifestants. (Voir la vidéo. Traduction des slogans scandés en arabe : « Algérie libre ! », « pouvoir assassin » et « pouvoir terroriste, Bouteflika et Yahya », « Bouteflika dehors ! »)


Depuis le balcon de l'immeuble du parti assiégé par la police, Saïd Saadi, le leader du RCD, a appelé à la poursuite du combat. Annoncée la semaine dernière par le chef du parti, la marche avait pour objectif de réclamer la dissolution de toutes les institutions élues et surtout la levée de l'état d'urgence, en vigueur depuis 1992.
Il s'agit de la première grande manifestation depuis les émeutes du début du moisdont les revendications portaient davantage contre la vie chère et le chômage. Pour contenir la population, le gouvernement avait alors annoncé la baisse des prix des produits de grande nécessité. Mais la contestation ne faiblit pas dans le pays : elle se politise et commence à s'étendre.

Une autre manifestation prévue 

Parallèlement, la répression grandit et se manifeste aussi sur le Net, nouvelle terreur des régimes autoritaires. En début d'après-midi, le site officiel du RCD a ainsi disparu des écrans. Les difficultés d'accès au réseaux sociaux (Facebook, Twitter) font soupçonner une tentative de censure des autorités.
Un appel à manifester contre l'état d'urgence le 9 février prochain –date anniversaire de son entrée en vigueur – a été lancé par plusieurs syndicats et partis politiques, dont le RCD.
En occupant ainsi le terrain des manifestations, le RCD, parti très critiqué pour sa participation au gouvernement en 1999, semble avoir trouvé le moyen de faire oublier son passé controversé mais ne convainc pas tout le monde. Ce samedi, durant la manifestation, quelques dizaines de jeunes ont crié des slogans hostiles à Saïd Saadi, lequel a dénoncé l'infiltration d'adversaires politiques dans la manifestation.

« Le pays est miné de toute part »

Le FFS, le Front des forces socialistes, parti d'opposition qui a boycotté les élections législatives de 2007 puis les présidentielles de 2008, n'y participera pas. Karim Tabbou, premier secrétaire du parti, nous en explique les raisons :
« Nous avons bien sûr dénoncé les interdictions des manifestations mais nous pensons que la situation du pays mérite un travail plus sérieux, un travail de fond. On sait qu'il y aura des étapes rudes et difficiles dans la marche vers la démocratie, mais le FFS ne veut pas simplement faire de l'agitation.
Je le dis dans la douleur. En Algérie, les forces autonomes ne sont pas assez nombreuses pour impulser ce changement. Une partie importante de notre élite n'a pour objectif que d'aller vers la rente.
– Mais le peuple algérien veut du changement ; il y a un effet “contagion” ?
– C'est une contagion au niveau sentimental dans le sens où les Algériens veulent que ça bouge mais ils ne font plus confiance à grand monde. Pas même au FFS.
La société civile est atomisée, les syndicats aussi. Les conditions ne sont pas réunies pour que l'impulsion vienne de là. En Tunisie, 1 000 avocats se sont rassemblés et ont décidé de façon commune de faire grève. En Algérie… on a conscience que le pays est miné de toute part mais toutes les agitations ne vont pas forcément dans le sens de la démocratie.
On ne peut pas prétendre vouloir le changement et prendre ses informations auprès de patron des renseignement [allusion à une rencontre entre Saïd Saadi et le patron du DRS, Département de renseignement et de sécurité algérien, révelée par Wikileaks, ndlr]. »
S'il leur est difficile de se structurer en un front unique, les opposants au régime de Bouteflika, toujours plus nombreux, se rejoignent sur l'essentiel : l'expérience tunisienne leur fait espérer une très proche victoire de la démocratie en Algérie.
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