Toi et moi avons de prime abord pas mal de choses en commun. Tu es juif, je suis juif. Tu es (la plupart du temps) séfarade, je le suis également. Autre point commun: j’aime Israël, tu prétends l’aimer de toutes tes forces, toi aussi. Et pourtant je dois t’avouer que malgré ces quelques similitudes de façade, tout nous sépare, toi et moi.
Nous avons grandi ensemble, toi et moi: nous avons écumé les mêmes salles de classe du Talmud Torah, nous nous sommes assis sur les mêmes bancs de la synagogue le jour de Kippour, nous avons mangé dans les mêmes restaurants de grillades; nous avons passé nos étés dans les mêmes mouvements de jeunesse communautaires où l’on nous a appris à être fiers de ce que nous étions.
Mais ce sionisme sain et constructif qui célébrait l’estime de soi pour les juifs du monde entier, toi, tu n’y as vu qu’un prétexte pour haïr les autres. Aujourd’hui, rien n’est plus éloigné de ma conception de la judéité et du sionisme que la tienne. Que t’est-il arrivé pour que tu deviennes à ce point haineux de tout ce qui n’est pas comme toi? D’où te vient cette bile? De quelle mission dévoyée te sens-tu investi?
Pour te dire la vérité, jusqu’à dimanche dernier, je faisais un peu comme si tu n’existais pas. Moi, le juif de Kippour, plutôt de gauche, je ne voulais rien avoir affaire avec toi et tes potes ratonneurs du dimanche. Mais lorsque j’y repense, si je ne voulais pas entendre parler de toi, c’est parce que je pensais un peu coupablement que dans la galaxie des gros cons fachos, tu valais tout de même mieux qu’un skinhead ou qu’un agité fan du Cheikh Yacine.
Instinctivement, je faisais ce que font tous les gens «modérés» qui appartiennent à une communauté se sentant pointée du doigt: je te pardonnais un peu car tu étais malgré tout l’un des miens et qu’il allait sans dire que les individus les plus extrémistes de ma tribu étaient moins extrémistes que ceux des tribus des autres.
Enfin, je ne pouvais m’empêcher de te voir comme une sorte de protecteur, conscient que la haine anti-juive prônée par Soral et M’Bala M’Bala faisait de plus en plus d’adeptes violents et qu’il fallait bien des gros bras dans ton genre pour les «calmer» en cas d’agression manifeste de leur part.
Mais en réalité, tu ne vaux pas mieux que le skin ou l’islamofasciste, les évènements parisiens du 13 juillet dernier ont achevé de m’en convaincre. J’ai lu le journal, atterré d’apprendre qu’en marge d’une manifestation pro-palestinienne, des hordes de jeunes brutes vociférant «Allah Ouakbar!» et «Mort aux juifs !», assiégeaient une synagogue, menaçant les fidèles sans défense venus y prier.
Sans jouer les paranos, comment ne pas se dire devant ce récit des évènements parisiens de dimanche dernier que l’histoire se répète et que le destin des juifs est de se «faire dérouiller» à nouveau, pour reprendre l’abject euphémisme de Soral.
Il y avait même quelque chose de révoltant dans le ton complaisant des articles écrits dans la foulée de la manifestation: «heurts limités», «légères échauffourées», «groupes de jeunes gens»; qui les médias essaient-t-ils de couvrir, me suis-je demandé, outré.
Et puis les vidéos apportant un autre éclairage sont arrivées le lendemain: même si ces témoignages n’exonèrent pas les voyous (ainsi que certains des organisateurs) qui prennent le prétexte de la Palestine pour vomir leur haine, j’ai compris qui les journalistes s’étaient efforcés de couvrir pour ne pas être taxés d’antisémitisme: c’est toi qu’on protège, cher «frère» de la Ligue de Défense Juive.
C’est toi, l’irresponsable imbécile et tes copains décérébrés qui, via Twitter, avez donné rendez-vous aux «pro Palos» à 17h30 devant la synagogue de la rue de la Roquette, prenant de fait en otage les braves gens venus pour y prier pour la paix. C’est toi qui fait prendre des risques inconsidérés à la communauté juive parisienne en l’impliquant dans une rixe parfaitement évitable et qui ne la concerne en rien.
C’est toi qui t’es chargé de mettre de l’huile sur le feu en allant insulter les manifestants sur la Bastille, armé de tasers et de barres de fer, cherchant à tout prix à provoquer les voyous les plus incontrôlables de cette manif pour qu’ils viennent ensuite en découdre avec toi. Tu n’as protégé personne en fin de compte, pyromane que tu es. C’est la communauté acculée et les CRS qui t’ont protégé avec ses hauts murs pour la première et des boucliers pour les seconds. La réalité est donc bien éloignée de l’image du vaillant Maccabée que tu revendiques dans ce piteux remake parisien du siège de Massada.
Honte à toi.
Je ne te vomis pas parce que tu fournis aux antisémites de bonnes raisons de me haïr (ils n’ont pas besoin de toi pour cela, tu n’es qu’une corde à leur arc), je te vomis parce que la grande masse des Français qui n’ont pas de préjugés contre moi, serait tentée, devant tes exactions, de m’associer à toi et de se dire «En fin de compte, c’est vrai que ces juifs se croient tout permis».
Au nom de qui crois-tu parler lorsque tu scandes «Palestine, on t’encule !»? À qui penses-tu faire plaisir? Les Juifs de France sont pour la paix au Proche-Orient et ils savent que cette paix implique une solution à deux états, ne se reconnaissant en rien dans tes provocations racistes.
D’ailleurs, les juifs n’ont pas besoin de toi, ils savent très bien se défendre lorsqu’ils sont attaqués (ce n’est pas Serge Klarsfeld ou Roger Cukierman qui me contrediront). Israël n’a pas besoin de toi pour jouer ses ambassadeurs de pacotille à l’étranger et pour preuve, il y a longtemps que ton petit groupuscule fasciste a été dissous là-bas.
Tu n’incarnes ni le judaïsme, ni le sionisme. Tu es une caricature cauchemardesque du premier et une insulte au second. Alors cesse de me faire porter le poids de tes agissements de délinquant.
Un juif français en colère.
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