C’est ainsi que cette chaîne relate que « depuis le début de l’offensive israélienne sur Gaza, une partie des médias égyptiens se déchaîne contre le Hamas. La presse pro-gouvernementale affiche ouvertement son soutien à Israël et critique les Palestiniens dans leur ensemble.
Dans la presse égyptienne, le pilonnage de la bande de Gaza ne fait vibrer ni le sentiment anti-israélien, très fort en Égypte, ni la traditionnelle solidarité arabe. Ces derniers jours, c’est plutôt par leur condamnation virulente du Hamas, voire de l’ensemble des Palestiniens, que les médias égyptiens se sont illustrés.
Adel Nehaman, un éditorialiste du journal égyptien « El-Watan », affirme ainsi sans détour : « Désolé, habitants de Gaza, je ne compatirai pas avec vous tant que vous ne vous serez pas débarrassés du Hamas ». Une journaliste du quotidien gouvernemental « Al-Ahram », Azza Sami, n’hésite pas de son côté à féliciter sur Twitter le Premier ministre israélien pour l’offensive sur Gaza : « Merci Netanyahou, et que Dieu nous donne plus d’hommes comme vous pour détruire le Hamas ! » Tandis que le présentateur vedette de la chaîne El-Faraeen, Tawfik Okasha, un partisan affiché du pouvoir militaire égyptien et l’un des plus violents détracteurs des Frères musulmans, a attaqué en direct l’ensemble de la population de l’enclave palestinienne : « Les Gazaouis ne sont pas des hommes, s’ils étaient des hommes ils se révolteraient contre le Hamas ! » Une chaîne de télévision israélienne n’a pas hésité à diffuser la séquence, interprétée comme une preuve du soutien de l’Égypte à l’opération israélienne dans la bande de Gaza.
Cette hostilité envers le Hamas et les Palestiniens est une conséquence de la vie politique égyptienne où l’affrontement entre islamistes et pouvoir militaire occupe tout l’espace politique. Les journalistes, qui ont soutenu le coup de force de l’armée contre le président islamiste Mohamed Morsi en juillet 2013, ne voient dans le Hamas rien d’autre que la branche palestinienne des « Frères Musulmans », aujourd’hui interdits en Égypte. Depuis, une grande partie des médias égyptiens appelle à « liquider » les « Frères musulmans » et applaudissent l’offensive israélienne censée désarmer le mouvement islamiste.
Le Hamas jugé responsable de la guerre larvée dans le Sinaï
Les journalistes qui encouragent Tsahal invoquent aussi les violences en cours dans le Sinaï, la péninsule frontalière de Gaza et d’Israël. Depuis un an, des groupes islamistes armés attaquent presque quotidiennement la police et l’armée égyptiennes dans cette région déshéritée, longtemps négligée par le gouvernement central.
Le pouvoir actuel affirme que les « Frères musulmans » et le Hamas sont derrière ces troubles, même si d’autres groupes, dont les djihadistes de Ansar Bayt al-Maqdis ou de Ajnad Masr, revendiquent régulièrement les attaques en question. Pour les médias égyptiens qui ont adopté la ligne politique du pouvoir militaire du maréchal Sissi, la neutralisation du Hamas mettrait fin, selon eux, à la guerre larvée en cours dans le Sinaï.
Cependant, cette presse va beaucoup plus loin. Au-delà du Hamas, ce sont les Palestiniens qui sont dans son collimateur.Elle multiplie les critiques vis-à-vis des « habitants de Gaza », incapables, selon eux, de se révolter contre les islamistes du Hamas comme les Égyptiens l’ont fait en manifestant contre Mohamed Morsi le 30 juin 2013. Une généralisation qui choque Tarek Saad Eddin, rédacteur en chef adjoint du magazine égyptien « El-Moussawer ». « Ces journalistes font partie de médias qui reçoivent leurs ordres du pouvoir. Ils affirment que le Hamas est responsable du meurtre des manifestants de la place Tahrir pendant le soulèvement de janvier 2011, et de la libération des leaders islamistes qui étaient en prison à cette époque… Mais en critiquant tous les Gazaouis, ils se trompent complètement de cible », commente-t-il pour le site en langue arabe de France 24.
Une méfiance généralisée à l’encontre des Palestiniens
Ce type de campagne médiatique dirigée contre une communauté n’est pas inédite en Égypte. Les Syriens ont été la cible du même genre d’attaques à l’été 2013, après le renversement de Mohamed Morsi par l’armée. Une partie des médias égyptiens, dont le présentateur Tawfik Okasha, avait accusé les réfugiés syriens en Égypte d’être des alliés des Frères musulmans. Cette campagne médiatique avait débouché sur des attaques physiques contre des Syriens dans les rues du Caire.
Tous les Égyptiens ne sont pourtant pas aussi hostiles au Hamas et aux Palestiniens. Des manifestations de soutien à Gaza ont également eu lieu ces derniers jours au Caire et à Alexandrie. Elles n’ont toutefois rassemblé que quelques milliers de personnes. Des jeunes activistes égyptiens, pour la plupart proches de mouvements de gauche, ont organisé un convoi de solidarité avec Gaza : 400 d’entre eux se sont rendus jusqu’au poste-frontière de Rafah, entre l’Égypte et Gaza, où l’armée égyptienne les a stoppés et renvoyés vers Le Caire.
Mais hormis ces militants, les Égyptiens semblent globalement peu sensibles au sort des Gazaouis. La méfiance générale envers les Palestiniens, que le régime de Moubarak a entretenue pendant des années en accusant les terroristes du Hamas de vouloir déstabiliser l’Égypte, est aujourd’hui réactivée par les médias qui soutiennent le nouveau pouvoir. »
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