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Sunday 1 February 2015

En Turquie, la traque des candidats au jihad en route vers la Syrie

Dans un grand aéroport de Turquie, à la porte d'un avion en provenance d'un pays du Moyen-Orient. Deux policiers en civil ont pris position en bout de passerelle pour un contrôle de routine, à l'affût d'apprentis jihadistes en transit pour la Syrie.

Des personnes attendent pour embarquer à l'aéroport d'Istanbul, le 29 janvier 2015
Des personnes attendent pour embarquer à l'aéroport d'Istanbul, le 29 janvier 2015 - Ozan Kose AFP

Dans un grand aéroport de Turquie, à la porte d'un avion en provenance d'un pays du Moyen-Orient. Deux policiers en civil ont pris position en bout de passerelle pour un contrôle de routine, à l'affût d'apprentis jihadistes en transit pour la Syrie.

Depuis des mois, le gouvernement islamo-conservateur d'Ankara est sous le feu des critiques de ses alliés, qui lui reprochent sa mansuétude, pour ne pas dire sa complaisance, dans la lutte contre les filières qui garnissent les effectifs des combattants du groupe Etat islamique (EI).

Les autorités d'Ankara rétorquent faire le «maximum» pour intercepter les étrangers en route pour le front syrien. Piquées au vif, elles ont entrouvert à l'AFP, à titre exceptionnel et sous conditions, la porte de leur dispositif de sécurité.

Aujourd'hui, la cible est donc ce biréacteur venu tout droit d'une capitale arabe. Au milieu de ses passagers, deux hommes attirent aussitôt l'œil des policiers.

Premières questions. Oui, ils ont un billet de retour. Leur destination finale? Adana, au sud de la Turquie, pas très loin de la frontière syrienne... Les deux «suspects» sont illico conduits au poste sous bonne escorte.

La plupart de ses recrues rejoignent l'EI via la Turquie, qui partage 1.300 km de frontière avec la Syrie et l'Irak. Elles débarquent à Istanbul, gagnent en avion ou en bus une ville du sud du pays, d'où elles passent illégalement sur le territoire syrien.

Il a beau le nier catégoriquement, le régime turc est accusé de fermer les yeux sur ces «autoroutes du Jihad» et même d'avoir longtemps soutenu l'EI, convaincu qu'il pouvait faire tomber rapidement le président syrien Bachar al-Assad, sa bête noire.

- Des trous dans le filet -

Jusqu'à ce qu'Européens et Américains tapent du poing sur la table. Alors, à l'automne dernier, les Turcs ont annoncé un durcissement des contrôles à leurs frontières. Aux principales entrées sur leur sol, ils ont installés des «centres d'analyse du risque», chargés de détecter les islamistes radicaux désireux de rallier le drapeau noir du jihad.

C'est dans un de ces centres que les deux suspects du jour sont conduits.

«On repère nos +clients+ dès la passerelle, on contrôle leurs papiers puis, si nécessaire, on les emmène au centre d'analyse des risques pour un interrogatoire approfondi», explique un officier de sécurité sous le couvert de l'anonymat.

Depuis leur création, ce dispositif a permis d'isoler 1.500 passagers douteux. Un tiers a été renvoyé dans son pays d'origine, assure l'officier.

Outre ces contrôles aléatoires, les services turcs affirment disposer d'une liste de 10.000 noms de jihadistes présumés déclarés persona non grata, selon le chiffre rendu public cette semaine par le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Tanju Bilgiç.

Même resserrées, les mailles du filet laissent encore passer quelques gros poissons. Ainsi Hayat Boumeddiene, la compagne d'un des trois auteurs des attentats qui ont fait 17 morts au début du mois à Paris. La Française, a pu rallier la Syrie le 8 janvier en traversant le territoire turc sans être inquiétée.

Même si Paris a signalé tardivement la jeune femme, cet épisode a embarrassé Ankara, qui s'est défendu en mettant le cause le manque de coopération des services français.

- Pays exportateurs -

«Dans la passé, le partage de renseignements (avec la France) était très pauvre», déplore l'officier de sécurité turc. Et même si les attentats de Paris lui ont donné un coup de fouet, «il n'est pas encore suffisant», ajoute-t-il.

A ceux qui les accusent de ne pas s'engager assez contre les filières jihadistes, les autorités turques répondent que la principale responsabilité de ce combat doit reposer sur les épaules des pays «exportateurs» de jihadistes.

«Les contrôles de passeports et les mesures prises dans leurs aéroports ne sont pas suffisants», a répété il y a quelques jours le chef de la diplomatie turque, Mevlüt Cavusoglu, «ces Etats doivent faire encore plus».

L'officier de sécurité ne se fait pas prier pour illustrer de quelques exemples récents les ratés de ses collègues occidentaux. Comme celui de ce Français de 33 ans intercepté à Istanbul en juin dernier avec un bagage rempli de livres religieux. Ou encore de ce Norvégien qui voyageait avec des chargeurs d'arme à feu et des jumelles.

«Comment est-ce qu'un individu qui transporte du matériel militaire et veut rejoindre Daesh (l'acronyme arabe du groupe EI) peut passer inaperçu à l'aéroport de son pays de départ ?», s'indigne l'homme des «services» turc, «c'est à ce pays de trouver une solution».

Comme 1.150 autres avec lui, selon le dernier recensement turc, ce Norvégien très équipé a été expulsé par le premier avion.

Malgré les questions insistantes de l'AFP, les autorités turques ont refusé de préciser le sort réservé aux deux suspects interpellés jeudi à leur descente d'avion

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