La consigne de ne pas appeler à voter pour les candidats du PS contre le FN au second tour des cantonales fait des remous à l'UMP. Hier, François Fillon lui-même s'est affranchi de cette instruction. Votre parti pris : Nicolas Sarkozy a signé l'arrêt de mort de l'UMP. Pourquoi ?
Parce que le parti du président de la République a cessé d'être un parti. À l'origine, l'UMP a été créée pour rassembler les grandes familles de la droite - les gaullistes, les libéraux et les centristes. C'était après le 21 avril 2002, l'objectif était d'assurer à cette formation un poids suffisant pour garantir une présence au 2e tour de la présidentielle. Aujourd'hui, l'UMP, c'est plutôt un amas de contradictions et une addition de mécontentements. Les résultats des cantonales ont encore aggravé le phénomène. Et l'interdiction du "front républicain" dictée par l'Élysée creuse les divisions. Dimanche soir, il y avait une ligne politique. Lundi matin, c'était une ligne floue. Maintenant, c'est une ligne brisée.
Est-ce que les divergences sur la stratégie à tenir à l'égard du FN sont forcément irrémédiables ?
À mon avis oui, parce qu'en fait ces désaccords sont des symptômes plus que des causes. Le malaise des centristes ne date pas de dimanche mais du virage sécuritaire de l'été dernier. De même, l'accord avec les chiraquiens pour leur faire de la place au gouvernement n'a pas fait disparaître toutes leurs différences avec Nicolas Sarkozy - sur les relations franco-américaines, sur la laïcité -, et à présent, elles se cristallisent sur la question de l'extrême droite, parce que c'est un point qui a toujours été crucial pour Jacques Chirac. C'est aussi le cas pour François Fillon, qui avait déjà pris des distances après le discours de Grenoble et, tout récemment, sur le fameux débat sur l'islam. Comparé à tout ça, le PS - même avec ses primaires - ressemble à une armée de spartiates au garde-à-vous !
Ça veut dire que Nicolas Sarkozy a perdu toute autorité sur ses propres troupes ?
Ça veut dire surtout qu'il n'y a plus aucune lisibilité. Jean-François Copé dit qu'il n'est pas interdit de voter socialiste, Jean-Louis Borloo appelle clairement à le faire et François Fillon préconise de voter "contre le FN". Et Xavier Bertrand, lui, a suggéré qu'on pouvait très bien voter blanc - on peut lui décerner la palme du faux-cul. Ce qui se révèle, c'est un doute affreux, profond, au sein de l'UMP sur la stratégie choisie par Nicolas Sarkozy pour ménager les électeurs du FN - et même parfois pour les flatter. Cette stratégie qui montre ses limites sur le plan de l'arithmétique électorale comme sur le plan de la morale politique. Ça fait au moins deux raisons de refuser de continuer à la suivre.
Donc vous pensez que la consigne de l'Élysée ne va pas être appliquée dans les départements ?
En tout cas pas de façon homogène. Maintenant que le Premier ministre, le président du Sénat et plusieurs ministres ont fait entendre leur désaccord, c'est une instruction qui ne vaut plus un clou. Il suffirait qu'Alain Juppé dise à son tour qu'il préfère un socialiste à un candidat FN pour que la ligne présidentielle vole carrément en éclats. Le résultat, c'est qu'avec tout ça, Nicolas Sarkozy s'est privé d'avance du bénéfice d'un retournement de situation, même partiel. Si, dimanche, le FN n'obtient finalement que très peu d'élus - comme on peut raisonnablement le penser -, Nicolas Sarkozy pourra s'en réjouir, mais pas s'en féliciter. Pour une fois, il ne pourra pas dire que c'est grâce à lui ! Dimanche prochain, il peut être doublement battu. Par le PS et par l'UMP.
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