L'Algérie vient une nouvelle fois de confirmer sa propre vision et donner sa propre lecture du «Printemps arabe», assimilé et encouragé en Europe et aux Etats-Unis comme étant un puissant vecteur pour l'avènement de la démocratie dans les pays arabes qui ont été traversés par ce mouvement politique qui a débouché sur le changement de régime (Tunisie, Egypte) et un chaos politique en Libye.
Hier à Alger, c'est le chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra, qui s'est chargé d'expliquer tout cela à l'ouverture du forum stratégique du NESA Center, axé sur les menaces transnationales dans la région de l'Afrique du Nord. Devant un parterre d'experts et de responsables de la sécurité et de la lutte antiterroriste de la région MENA et des Etats-Unis, il a affirmé que «ce qui est communément appelé le printemps arabe a permis aux groupes terroristes locaux d'accroître leur influence idéologique et leur force matérielle, aggravant l'ampleur des défis à relever». Dans une allocution lue en son nom par le directeur général Amériques au ministère des Affaires étrangères, Ahcene Boukhalfa, il a estimé que les menaces terroristes sont devenues «plus complexes et transnationales, notamment en Afrique du Nord et dans la région du Sahel avec tous ses enchevêtrements liés au crime organisé». «Aujourd'hui, le nouveau front d'instabilité lié à la situation libyenne a eu des répercussions régionales qui étaient prévisibles et contre lesquelles l'Algérie avait mis en garde», a-t-il tenu à rappeler, soulignant en outre que «la zone d'insécurité s'est élargie à l'ensemble de l'Afrique du Nord, du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest où prospèrent des activités criminelles et terroristes».
Le rappel de la situation actuelle en Libye n'est pas sans arrière-pensée pour le ministre algérien des Affaires étrangères, car au moment où les forces de la coalition, dont la France, soutenaient les «thowars» libyens contre le régime déchu de Kadhafi, l'Algérie avait été prise à partie pour sa non implication et sa réserve sur ce qui se passait dans ce pays voisin, et dénoncée même pour avoir préconisé la voie du dialogue. Aujourd'hui que le pays est à feu et à sang, ingouvernable, avec deux gouvernements qui se disputent le pouvoir, la position algérienne est devenue «plus logique».
Dès lors, les conséquences de cette guerre en Libye «se sont manifestées notamment par le flux de tous types d'armes, en grand nombre, en Afrique du Nord comme au Sahel», relève le chef de la diplomatie algérienne pour qui l'Afrique est devenue une zone de «non-droit devant l'absence d'alternatives économiques, notamment pour les jeunes et où tous les trafics ont droit de cité».
Pour l'Algérie, il s'agit de fédérer les efforts de la communauté internationale pour lutter contre la montée en puissance des réseaux terroristes qui ont trouvé dans la misère ambiante en Afrique, et particulièrement au Sahel, un terreau de recrutement fécond.
Lamamra rappellera là également la position traditionnelle de l'Algérie qui consiste à un appel à toutes les parties concernées pour mettre en place un «dialogue inclusif qui rejette la terreur» pour ramener la paix et favoriser une transition politique sereine, qu'il s'agisse «du Mali, de la Libye ou tout autre pays».
Ce dialogue «s'inscrit dans l'objectif d'une transition politique sereine devant aboutir à la prise en charge réelle et efficace des problèmes politico-sécuritaires et économiques des pays concernés et des besoins sociaux et éducatifs de leurs populations les plus défavorisées», a-t-il affirmé.
AQMI ET BOKO HARAM
Pour autant, l'instabilité politique et le risque d'une guerre fratricide en Libye ne sont pas les moindres menaces contre la paix et la sécurité dans la région. Car il y a toujours celle que représente la présence inquiétante des groupes d'Al-Qaïda au Maghreb Islamique (Aqmi) et de Boko Haram en Afrique subsaharienne et centrale.
La montée en puissance de ces deux entités terroristes est rien moins que le signe le plus évident, selon le chef de la diplomatie algérienne, de la vulnérabilité des Etats de ces régions.
«D'où cette urgence de l'évaluation réelle de la menace et d'une prise en charge effective et soutenue des besoins des Etats et des populations de la région», relève M. Lamamra pour qui «la guerre contre le terrorisme et ses crimes connexes doit être permanente et coordonnée, car les groupes terroristes disposent de relais qui leur permettent de s'adapter à toute évolution de la situation».
Le forum sur les menaces transnationales dans la région de l'Afrique du Nord traite durant trois jours de différents thèmes liés à la sécurité et à la lutte contre les menaces dont celle terroriste contre les Etats d'Afrique. Ce forum, 4eme du genre après ceux de Bangkok, Amman et Rome, regroupe une soixantaine d'experts et de professeurs algériens, américains, tunisiens, marocains, libyens, mauritaniens et égyptiens. Le forum est organisé par le Centre américain des études stratégiques pour le Proche-Orient et la région de l'Asie du Sud (Near East South Asia Center for Strategic Studies, NESA) en collaboration avec le ministère des Affaires étrangères.
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