Alors que le monde arabe est traversé par un vent révolutionnaire, Alger décide de prendre les devants. © Boness / Sipa
Le président algérien Abdelaziz Bouteflika a décidé mardi de lever dans un délai "imminent" l'état d'urgence, dix-neuf ans après son instauration pour enrayer la guérilla islamiste, mais l'armée va continuer de conduire la lutte antiterroriste. Cette décision était réclamée par l'opposition, notamment la Coordination nationale pour le démocratie et le changement (CNCD) qui vient d'organiser deux manifestations pour obtenir un "changement du système" politique incarné par M. Bouteflika.
Le département d'État américain a salué, mardi, la décision annoncée par les autorités algériennes tout en affirmant qu'elle devait être suivie d'une libéralisation politique plus importante. "La décision (...) est positive mais doit se traduire par une extension des libertés et un véritable changement", a écrit le porte-parole Philip Crowley sur son micro-blog Twitter. La levée de l'état d'urgence, promise par le chef de l'État depuis trois semaines, a été annoncée après une réunion du Conseil des ministres qui a aussi pris des mesures en faveur de l'emploi et du logement, alors que le pays a connu au début de l'année des émeutes contre la vie chère avec un bilan de cinq morts et plus de 800 blessés.
Lutte contre les groupes islamistes
"Un projet d'ordonnance abrogeant le décret législatif du 6 février 1993 portant prorogation de l'état d'urgence, institué par décret présidentiel du 9 février 1992, a été adopté mardi par le Conseil des ministres", selon un communiqué officiel. "Ce projet d'ordonnance entrera en vigueur dès sa publication, imminente, au Journal officiel", indique le communiqué du Conseil des ministres sans plus de précision. L'état d'urgence a donné à l'armée des pouvoirs de police et s'est traduit par une restriction des libertés politiques qui a empêché les partis de se déployer deux ans après la reconnaissance du pluralisme politique en 1989.
En première ligne dans la lutte contre les groupes armés islamistes qui continuent leurs attaques comme récemment au Sahara où ils ont kidnappé une touriste italienne, l'armée ne va pas toutefois retourner dans les casernes mais va poursuivre la lutte antiterroriste. Le Conseil des ministres a adopté un texte qui "confirme que la conduite et la coordination des opérations de lutte contre le terrorisme et la subversion sont prises en charge par l'état-major de l'ANP" (Armée nationale populaire), "Le projet d'ordonnance et le projet de décret présidentiel relatifs à l'engagement d'unités et formations de l'ANP dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et la subversion viennent substituer un fondement législatif et réglementaire nouveau à celui prévu dans le texte législatif de 1993 prorogeant l'état d'urgence", explique le communiqué.
Violences sporadiques
Les autorités algériennes avaient instauré l'état d'urgence pour faire face à la guérilla islamiste. Elle avait éclaté à la suite de l'annulation des résultats des élections législatives de décembre 1991 que le Front islamique du salut (FIS, dissous) était en passe de remporter. Le FIS, qui promettait l'instauration d'une République islamique sur le modèle iranien, avait frôlé la majorité absolue dès le premier tour du scrutin, ce qui lui permettait de composer son gouvernement. À la suite de sa victoire, le président Chadli Bendjedid avait dû démissionner et avait été remplacé par une présidence collégiale où était représentée l'armée.
Avant la mise en place de ce Haut Comité d'État, le Haut Conseil de sécurité avait décidé de ne pas organiser le deuxième tour des législatives, encouragé par des partis de la mouvance laïque et démocrate, les syndicats et le mouvement féministe, qui avaient alors créé un Conseil national pour la sauvegarde de l'Algérie. Après l'interruption du processus électoral, les dirigeants du FIS avaient appelé leurs militants à défendre leur victoire même par les armes. L'Algérie s'est alors enfoncée dans des violences généralisées qui ont fait jusqu'à 200 000 morts, selon les sources officielles, des violences qui se poursuivent encore de manière sporadique sans menacer toutefois le régime comme dans les années 90.
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