Les forces de police ont été très nombreuses lors de la manifestation à Alger le 12 février. La forte présence sécuritaire dans la capitale est possible depuis que l'état d'urgence a été décrété en 1992.
REUTERS/Louafi Larbi
C'est la fin de l'état d'urgence en Algérie. La décision a été publiée ce jeudi au Journal Officiel du pays. Pourquoi maintenant? Quelles en sont les conséquences? LEXPRESS.fr fait le point.
L'état d'urgence, c'était quoi?
Selon le correspondant de France 24 en Algérie, Ahmed Tazir (reportage ci-dessous), l'état d'urgence, mis en place le 9 février 1992 pour contrer la menace islamiste, sortie victorieuse aux élections législatives de 1991, reposait sur trois dispositions.
Tout d'abord, aucun rassemblement - manifestations, ou réunion d'ampleur dans une salle - n'était autorisé sans l'aval du pouvoir. Ensuite, selon Ahmed Tazir, l'état d'urgence justifait tout internement administratif: "On pouvait mettre en détention provisoire n'importe qui sans décision de justice. Et c'est ce qui s'est passé dans les camps du Sud où de nombreux islamistes ont été internés." Enfin, le pouvoir algérien d'avant 2011 avait accepté la réquisition des forces militaires par les autorités civiles: "C'était l'armée dans la rue en gros".
En quoi la situation va-t-elle changer?
Même si Barack Obama s'est félicité d'une telle mesure, pour beaucoup d'analystes, rien ne va véritablement changer. Selon l'AFP, s'appuyant sur les trois ordonnances et le décret présidentiel publiés au Journal Officiel, les militaires garderont une partie du pouvoir que leur conférait l'ancienne disposition d'état d'urgence, afin de poursuivre la lutte anti-terroriste, en vertu d'une nouvelle loi prochainement annoncée.
En effet, les islamistes restent présents au Sahara, où une touriste italienne a récemment été enlevée. "Il s'agit maintenant de savoir si ce statut quo du pouvoir de l'armée sera liberticide ou non", indique Ahmed Tazir de France 24.
D'autre part, ce qui ne va pas changer, c'est le peu de libertés politiques dont disposent les partis politiques de l'opposition algérienne. Le ministre de l'Intérieur Dahou Ould Kablia a annoncé ce jeudi que le gouvernement "n'envisageait pas pour le moment" d'autoriser de nouveaux partis politiques, alors qu'au moins sept formations attendent leur agrément.
Une situation d'autant plus frustante que l'état d'urgence a toujours empêché les partis politiques de se déployer, alors qu'en 1989 le pluralisme politique était reconnu.
Par ailleurs, l'interdiction des manifestations toujours maintenue à Alger fait redouter aux opposants du régime Bouteflika une stabilité des mesures coercitives vis-à-vis des rassemblements de contestataires, comme ceux des samedi 12 et 19 février derniers.
Enfin, au sujet de la fin des internements arbitraires, rien n'a été annoncé. Dans une interview accordée à la chaîne France 24, et reprise par le site Biladi.fr (qui s'adresse aux Maghrébins vivant en France), le ministre de l'Intérieur algérien Daho Ould kablia a seulement déclaré que "les manifestants arrêtés [lors des dernières manifestations de février] ont été tous libérés, malgré parfois la lourdeur des charges" retenues contre certaines d'entre eux.
Pourquoi un tel retournement maintenant?
Selon le ministre Daho Ould kablia, "l'idée de la levée de l'état d'urgence était assez ancienne et n'a pas été prise sous la contrainte des événements qu'a connus le pays au début du mois de janvier dernier".
"La dernière fois que cela a été évoqué c'était lors de la réunion d'évaluation du secteur de l'Intérieur par le président de la République durant le mois de Ramadhan dernier, au cours de laquelle la possibilité de la levée de l'état d'urgence a été envisagée", a ajouté le ministre.
Ainsi, selon lui, le régime ne s'est pas senti "menacé " par les manifestations du 12 et du 19 février, ajoutant que cette fin d'état d'urgence faisait partie d'un plan plus global concernant l'emploi et le logement.
Pour Riadh Sidaoui, directeur du Centre de recherches et d'analyses politiques et sociales (Caraps), interrogé par France 24: "Cette annonce répond d'abord à un impératif médiatique." "C'est aussi un signe adressé à l'Occident, pour montrer que le pouvoir algérien est fort et a confiance en lui", ajoute-t-il.
Annoncées le 3 février dernier, les mesures pour contrer le chômage, phénomène important en Algérie et qui a largement conduit aux manifestations de janvier dernier, se font néanmoins toujours attendre.
Cette mesure va-t-elle contenter les opposants?
Saïd Sadi, leader du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), et plus largement porte-parole de la contestation algérienne, a rapidemment annoncé la couleur. "C'est un effet d'annonce, c'est une manoeuvre, car l'état d'urgence est maintenu dans la capitale", a-t-il affirmé au téléphone à l'AFP, en faisant référence à l'interdiction de rassemblements dans les rues d'Alger, une mesure adoptée en 2001 après une manifestation sanglante de Kabyles.
Saïd Sadi a ainsi réitéré la détermination de la toute nouvelle Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD, née le 22 janvier) et dont le RCD fait partie, à parvenir "à un changement du système" politique, à l'instar de la Tunisie puis de l'Egypte. "Toutes les semaines il y aura des marches", a-t-il ajouté.
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