Une décision liberticide pour les opposants politiques et les militants des droits de l’homme et tout simplement imaginaire pour les juristes. Car, aussi hallucinant que cela puisse paraître, cette décision invoquée à chaque occasion et relayée par les dépêches de l’APS n’a jamais existé, juridiquement parlant. La marche du 22 janvier dernier, organisée par le RCD, est venue encore le prouver puisqu’aucun motif n’a accompagné la décision d’interdiction signifiée par le ministère de l’intérieur.De Zerhouni à Ould Kablia en ajoutant les incursions du wali d’Alger, les déclarations officielles ont toujours justifié l’interdiction des marches à Alger par la décision prise par le gouvernement au lendemain de la marche historique des archs, le 14 juin 2001.
Le département de Daho Ould Kablia n’a pas justifié sa décision par l’état d’urgence et a préféré se garder de formuler le motif. Une subtilité que n’a pas eu le wali d’Alger qui, lui, a invoqué dans son rappel, lu au JT du 21 janvier, que les marches sont toujours interdites à Alger depuis juin 2001. Au palais de la Présidence, même son de cloche. Lors du Conseil des ministres tenu jeudi dernier, le président de la République a décidé d’une batterie de mesures favorisant l’ouverture démocratique, notamment la levée de l’état d’urgence, faisant exception pour les marches dans la capitale qui restent interdites. Là aussi, le communiqué du Conseil des ministres ne fait aucune référence à des textes de loi pour justifier ce maintien.
S’agit-il d’une transgression délibérée des lois de la République ou d’une simple ignorance des textes ?Conformément à la Constitution dans son article 39, la loi 89-28 du 31 décembre 1989 relative aux réunions et manifestations publiques (JO n°04 du 24 janvier 1990) consacre l’exercice du droit aux réunions et définit les modalités des réunions et manifestations publiques. C’est bien ce texte modifié et complété par la loi n°91-19 du 2 décembre 1991 qui apporte toutes les dispositions légales concernant ce type de manifestations. Curieusement, les pouvoirs publics ne font jamais référence à ces lois pour justifier l’interdiction et brandissent à chaque fois la décision de juin 2001. Or, on a beau chercher dans les Journaux officiels des mois de juin et juillet 2001 et partout ailleurs dans les archives du gouvernement, il n’y a aucune trace de cette décision qui faut-il le signaler, doit être enregistrée quelque part pour qu’elle soit opposable et exécutive. Où est-elle, cette décision du gouvernement, et qui l’a signée ? Mystère ! Le peuple algérien a le droit de connaître les fondements juridiques des décisions officielles, faute de quoi celles-ci deviennent un «fait du prince» indigne de la République.
Et quand bien même cette décision existe, elle représente une preuve à charge du gouvernement de graves atteintes aux libertés publiques telles que définies dans la Constitution et une spoliation du droit à la manifestation pacifique. La loi de 1989, amendée en 1991, n’autorise pas le gouvernement d’annuler le droit aux manifestations et précisément à Alger. Même l’article 7 de la loi relative à l’état d’urgence donne le droit d’interdire une manifestation, alors que la mystérieuse décision de 2001 annule le droit lui-même. Le gouvernement est dans l’obligation de présenter cette décision pour que cela permette d’introduire un recours, sinon l’interdiction des marches précédentes et de celles à venir tombe sous le sceau de l’illégalité.
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