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Friday, 18 February 2011

Le pouvoir Algerien multiplie des signaux pour reconquérir la population

De Amer OUALI, AFP, 18 février 2011
ALGER — "Il y a quelques semaines, on m'aurait retiré le permis sur le champ et abreuvé d'injures", s'amuse Larbi, un cadre d'une quarantaine d'années, poliment rappelé à l'ordre au volant de sa voiture par un agent alors qu'il venait de doubler un véhicule à l'approche d'un barrage de police.
Son geste n'est pas un "signe de défi", explique Larbi. Il a pris ce risque calculé pour démontrer à ses compagnons à quel point gendarmes et policiers, souvent dénoncés pour leur brutalité, voire des cas de corruption, ont changé de comportement depuis les émeutes de début janvier.
En d'autres temps, cette contravention lui aurait valu au moins retrait de permis et contravention. Très nombreux sur les routes, en raison surtout de la persistance du terrorisme, les barrages sont la hantise des automobilistes.
"Nous avons donné des instructions fermes contre les abus", confirme à l'AFP un haut fonctionnaire sous le couvert de l'anonymat.
Face à une opposition qui réclame son départ, ragaillardie par la révolution en Tunisie et en Egypte, le pouvoir algérien multiplie des signes d'apaisement pour reconquérir une population qui se révolte le plus souvent de manière spontanée et désorganisée.
Le gouvernement a par exemple décidé de surseoir à l'expulsion des habitants qui ont érigé des bidonvilles sur des terrains illégalement occupés à Alger ou dans sa périphérie, des opérations souvent émaillées de heurts.
Il a reculé sur l'obligation de paiement par chèque par les grossistes pour un meilleur contrôle des transactions et un impôt proportionnel. Cette mesure, dénoncée car elle risquait d'entrainer une hausse des prix, avait provoqué de nouveaux troubles.
En Algérie, les émeutes sont récurrentes ces dix dernières années. Les plus violentes ont fait 124 morts et des centaines de blessés en 2001, en Kabylie, quand la population de cette région frondeuse s'est soulevée après la mort d'une lycéen dans une gendarmerie. Le jeune s'y était retrouvé à la suite d'une arrestation brutale.
Depuis, les jacqueries sont devenues un moyen d'expression privilégié et ont touché même des contrées sahariennes au calme jadis imperturbable.
Qu'il s'agisse de protester contre le manque de logements, les pénuries d'eau, les abus d'autorité, les habitants descendent dans la rue, dressent des barricades, brûlent des édifices publics et affrontent les forces de l'ordre.
La protestation a pris aussi la forme de grèves (éducation nationale, université, hôpitaux, industrie) ou de sit-in (chômeurs, retraités, gardes communaux).
Des révoltes sans leader et sans parti que le pouvoir tente de circonscrire de peur que l'opposition souffle dessus pour en faire le brasier de sa révolution.
Si policiers et gendarmes ont été rappelés à leur devoir de courtoisie envers les automobilistes, ils ont aussi cessé de faire la chasse aux vendeurs à la sauvette qui squattent trottoirs et rues où ils installent leurs présentoirs de fortune (cartons, cageots, grilles métalliques), selon des témoignages recueillis par l'AFP.
"El hamdou lillah (grâce à Dieu), ils ne nous embêtent plus", dit un fripier de la rue Meissonier en plein centre d'Alger, proche du siège du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD), le parti en pointe de la contestation politique.
"La révolution couve mais elle ne viendra pas de la Place du 1er-mai", analyse Arezki, un père de famille d'une soixantaine d'années en référence à l'endroit d'où doit partir samedi la nouvelle marche de l'opposition. "Les partis ont de la peine à faire la jonction avec les mouvements sociaux et c'est le pouvoir qui profite de cette situation", ajoute-t-il.

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